Bush a décidé de précipiter la mise en place d'un gouvernement provisoire à Bagdad, pour organiser l'après-Saddam. Alors que le Pentagone lui avait recommandé d'évacuer de son esprit l'idée même d'une autorité irakienne, tant que les données ne seraient pas en faveur des USA. La situation ayant évolué dans le sens contraire aux prévisions des va-t-en-guerre. Bush a saisi que le temps joue contre lui et que cela risque de peser sur le renouvellement de son mandat en 2004. Après un wait and see passif, les irakiens, toutes tendances confondues, manifestent ouvertement leur souci de voir s'achever la présence américaine. Au plan sécuritaire, la conjoncture s'est considérablement dégradée avec l'apparition d'une résistance armée, sans visage mais efficace, que les américains attribuent à Saddam dont la tête est mise à prix (25 millions de dollars). Les opérations de ratissage de grande envergure menées par les GI's sont inefficaces et exacerbent le sentiment nationaliste au sein des populations irakiennes dont la situation sociale s'est nettement dégradée faute de salaires aux fonctionnaires, employés, militaires et policiers, au chômage depuis la chute du régime de Saddam, mais aussi face à la destruction massive des infrastructures de services publics par les bombardiers US. Les difficultés de la vie ont développé de l'animosité contre les américains, y compris au sein des franges qui avaient applaudi à leur intervention. Trois mois après la chute de Saddam, les villes d'Irak, notamment Bagdad, sont toujours livrées à l'insécurité et les forces américaines et britanniques sont visées par les attaques quasi quotidiennes, souvent meurtrières. Au plan régional, c'est aussi un fiasco. La théorie des dominos a fait chou blanc de l'occupation de l'Irak, la “feuille de route” israélo-palestinienne est loin de voir le jour, même avec les concession de l'Autorité palestinienne. La guerre de Bush a également ouvert d'autres incendies. Le terrorisme frappe au cœur de l'Arabie Saoudite, tous les régimes arabes sont tétanisés et des incident américano-turcs ont éclaté aux frontières nord de lIrak. En Iran, les autorités font carrément un pied de nez aux menaces de Bush en expérimentant un missile capable de transporter des armes conventionnelles à un jet de pierres de Tel-Aviv. En Europe, l'atlantisme ne s'en porte pas mieux en dépit de la poignée de mains Bush-Chirac à Evian, et l'ONU n'a toujours pas retrouvé sa superbe malgré sa réintroduction dans la question irakienne en tant que partenaire. L'occupation de l'Irak n'est finalement pas cette petite promenade de santé que les généraux et experts du pentagone avaient pronostiquée. Ainsi donc, un conseil de gouvernement transitoire devrait être formé d'ici peu, et l'ONU souhaite que cette entité ait des prérogatives exécutives et non pas consultatives comme l'envisage l'administrateur US, Paul Bremer. Bush s'est aussi rendu compte que sans la participation des irakiens, il ne pourrait pas mettre en œuvre son plan Marshall pour l'Irak. Pour nettoyer le champ de bataille (réparer les puits de pétrole, déblayer les infrastructures détruites et les reconstruire) et faire repartir l'économie de l'Irak, il faut que règne la paix dans le pays. La vraie et non celle des armes. C'est là toute la question. D. B.