Les choses se sont accélérées en Irak où l'ancien dictateur sera remis aujourd'hui aux autorités intérimaires irakiennes. Le départ précipité de l'ancien administrateur en chef américain, Paul Bremer, suivi de la dissolution de l'autorité provisoire de la coalition (CPA), la livraison aujourd'hui de l'ancien dictateur irakien, Saddam Hussein, aux nouvelles autorités (désignées) de Bagdad, prenaient hier les allures d'une liquidation générale après inventaire. En effet, ni flonflons, ni triomphalisme n'ont précédé ce qui aurait dû être un grand jour pour l'Irak «libéré», mais une passation de pouvoir en catimini, presque clandestine, qui avait tous les aspects d'une fuite qui ne dit pas son nom. En fait les premiers à être soulagés par le cours qu'ont pris les évènements sont bien sûr les Américains qui estiment ainsi s'en être tirés à bon compte, l'honneur sauf, gardant par ailleurs la haute main, -par gouvernement intérimaire interposé-, sur les affaires de l'Irak. De fait, si la coalition est officiellement dissoute, l'armée américaine présente en Irak, -forte de près de 140.000 hommes, auxquels pourraient s'ajouter d'autres renforts, dans les prochaines semaines, indique-t-on de sources proches du Pentagone-, demeure sur place et veille au grain. En réalité cette opération de «désengagement» n'est en fait que de la poudre aux yeux et est tout bénéfice pour Washington qui quitte ainsi subrepticement les premières lignes désormais occupées par le gouvernement intérimaire du Premier ministre désigné Iyad Allaoui. Washington vient, de fait, de se défaire de l'aspect le plus visible, et par là, le plus contraignant, de l'occupation de l'Irak et sa conséquence, l'administration directe du pays, suscitant réprobation et polémique dans le monde. En réalité le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui hérite d'un pouvoir virtuel dans un pays où toutes les institutions ont été détruites. Mais, semblant n'en avoir cure, le Premier ministre désigné, Iyad Allaoui, fort du nouveau «pouvoir» qui lui échoit, annonça hier, avant toute autre chose, la livraison par l'armée américaine de Saddam Hussein, et de onze anciens dirigeants, au Tribunal spécial irakien, (TSI), créé spécialement pour juger l'ancien dictateur et les ex-dignitaires du régime baassiste. Ainsi, dans une déclaration faite hier, M.Allaoui indique «Mercredi, (aujourd'hui) Saddam Hussein et onze hauts responsables de l'ancien régime seront transférés sous l'autorité des Irakiens (...). Mais, leur garde continuera à être assurée par la force multinationale». Une livraison symbolique à l'image de la passation de pouvoir, les Américains demeurant les véritables décideurs. L'on peut également s'étonner de la précipitation mise par les nouvelles autorités à vouloir s'occuper des anciens dirigeants irakiens, toute affaire cessante, comme si dans ce pays où tout est à faire et construire, l'urgence des urgences était de juger l'ex-dictateur irakien. Aussi, cet acharnement à faire du cas Saddam Hussein la priorité du nouveau pouvoir irakien ne laisse de surprendre, ramenant ce qui devrait être le procès du siècle à une question triviale de vengeance face à l'insistance à privilégier ce cas parmi les autres priorités qui se présentent au gouvernement intérimaire. Ainsi, le ministre de la Justice, Malek Dohane Al-Hassan, indiquait hier que Saddam Hussein sera déchu de son «statut de prisonnier de guerre. Il sera jugé pour les crimes qu'il a commis». Le gouvernement intérimaire semble ainsi mettre la charrue avant les boeufs, car en tout état de cause le jugement de Saddam Hussein et des hauts dignitaires de l'ancien régime ne peut être conduit que par un pouvoir irakien légitime qui doit sortir des urnes en 2005, et dont la mise en oeuvre est, selon toute vraisemblance, l'une des missions essentielles du gouvernement intérimaire intronisé par la coalition au début du mois de juin. Il est d'ailleurs symptomatique que la nouvelle équipe «gouvernementale» provisoire irakienne focalise sur Saddam Hussein quand la tâche qui l'attend est énorme, colossale, -consistant en la mise sur pied de la conférence nationale devant désigner les 275 membres de la future assemblée transitoire, (dont l'une des prérogatives est de rédiger une Constitution permanente), la préparation du corps électoral et l'organisation des élections et référendums qui mettront en place les futures institutions du pays-, est loin d'être une sinécure. En tout état de cause, les priorités qu'affichent le gouvernement intérimaire irakien ne répondent pas à l'idée que tout le monde se fait des urgences qui sont celles de l'Irak et ne montrent pas une autorité provisoire ayant le souci de combler les lacunes dont souffre ce pays, lacunes qui obèrent son retour rapide sur la scène internationale en tant qu'Etat pleinement souverain. Dans cette situation un peu surréaliste de l'Irak post-transfert du pouvoir, relevons l'annonce par Washington du rétablissement de ses relations diplomatiques avec Bagdad, lesquelles ont été rompues au lendemain de la première guerre du Golfe en 1991, suivi par le Koweït qui a été le deuxième pays à rétablir hier ses relations avec l'Irak. Pendant ce temps, les opérations militaires se poursuivent de part et d'autre. Une dizaine de morts ont été enregistrés hier dont celles de trois marines américains.