Bédéiste de talent et musicien accompli de la République démocratique du Congo, Barly Baruti est présent à Alger pour le 2e Festival culturel panafricain, à l'invitation du Fibda qui a dressé un programme de 4 activités pour le Panaf'. Barly Baruti devait animer un concert hier soir à la Safex avec son groupe Congo Nostalgia. La particularité de ce concert est la présence de deux bédéistes du Cameroun qui devraient dessiner, le temps du concert, une planche de BD. Liberté : Vous êtes bédéiste mais également musicien, et vous êtes présent pour le Panaf', pour animer un concert. Pourriez-vous nous présenter, même brièvement, votre groupe Congo Nostalgia ? Barly Baruti : En fait, notre groupe est composé d'une équipe de 7 musiciens, dont un vieux baroudeur de la musique, Guvano Mwana Vangu, qui a à peu près 65 ans, qui nous guide un peu dans les choix qu'on s'est fait. Sinon nous sommes très ouverts par rapport à la musique, bien sûr nous estimons que nous devons arriver à nous intégrer dans la mondialisation (je n'aime pas trop le terme, mais bon). Nous voulons y participer avec notre culture, mais seulement nous essayons de nous rapprocher des cultures sans trop perdre notre authenticité. Je veux dire qu'on ne fait pas de compromission, tout en essayant de nous rapprocher des autres cultures. Vous tendez, avec votre projet musical, à faire de la “Rumba congolaise”. Un concept bien particulier, mais comment l'expliqueriez-vous ? Notre but à travers le concept de Rumba distribution, c'est d'arriver à codifier nos émotions par rapport à ce qu'on ressent quand on écoute de la “Rumba congolaise” afin de les rendre universelles. En fait, lorsqu'on voit le monde dans son ensemble, on constate qu'il est assez complexe ; je veux dire qu'il y a des choses qui viennent de quelque part comme par exemple le piano : on peut apprendre à jouer du piano, mais en même temps, en Afrique, nous avons aussi nos pianos, ce sont les marimbas (des morceaux de bois sur lesquels on joue avec des bâtonnets). On retrouve cet instrument dans le jazz et le blues, et lorsqu'on nous voit jouer avec, on nous dit c'est américain. Alors que non, c'est juste une réappropriation de notre culture. Nous voulons absolument exprimer nos désirs et ne pas rester trop chauvins, mais quand même nous avons un peu de notre culture dans la culture universelle. Le Panaf' est donc une opportunité rêvée pour nous tous Africains pour nous connaître et nous réapproprier ce que nous avons délaissé ou sacrifié comme héritage et culture ? Le Panaf' et pour nous dessinateur de BD le Fibda est une opportunité qui nous permet enfin de nous voir et nous exprimer, alors on s'y engouffre et on essaie d'apporter notre contribution dans la culture universelle. En fait, il y a un désert psychologique qu'on ne peut remplir qu'avec la culture. Par exemple, à Alger, les Algériens me disent : “Vous venez d'Afrique.” Il est vrai qu'il y a un désert entre l'Afrique centrale et le Maghreb, mais personne ne parle de Kalahari qui nous sépare de l'Afrique du Sud. Je pense qu'aujourd'hui avec la vocation africaine de l'Algérie, chacun avec sa culture pourra remplir le désert psychologique qui nous sépare. Nous avons évoqué la musique, mais qu'en est-il de votre parcours en tant que bédéiste ? En tant que bédéiste, j'ai commencé ma carrière au Congo-Kinshasa il y longtemps. J'ai bientôt 50 ans aujourd'hui, et j'ai sorti mon premier album de bande dessinée il y a 30 ans de cela. Et j'ai fait de la musique parallèlement à la BD. Toutefois, on me connaît plus en tant que dessinateur de BD qu'en tant que musicien, parce qu'un album musical prend du temps pour être préparé. J'ai également fait un stage aux Studios Hergé (devenu à présent la Fondation Hergé) et j'y ai même travaillé. D'autre part, je me suis beaucoup investi en tant qu'opérateur culturel. Je suis rentré au Congo et j'ai fondé mon association Acria (Atelier de création, de recherche et d'initiation à l'art), dans le but de partager et de transmettre mon expérience, car je m'étais rendu compte qu'il fallait nous prendre en charge. J'espère que le mot n'est pas ronflant, mais j'avais pour ambition de faire du transfert des compétences. On est plus utile ici en Afrique qu'ailleurs. Mais vous n'êtes pas resté seulement au Congo ? Non, je ne suis pas resté seulement en Afrique, j'ai donné des stages un peu partout, notamment au Sénégal, au Togo, au Tchad, au Rwanda, à Djibouti, au Burundi… J'ai partagé un peu de mon expérience. Je tiens à souligner également que le Fibda ouvre un peu plus les horizons. Je suis d'ailleurs très content d'être là et content de participer à cette aventure qui me semble riche en couleurs. Propos recueillis par sara kharfi