Le jeûne est d'abord une tradition et une fête. Nombre de fidèles le prennent pour un rite rigoureux à accomplir sous peine de recevoir le désagrément divin. Ce n'est pas faux. Mais il faut l'approcher autrement pour pouvoir comprendre sa dimension et mesurer sa finalité. Si l'on comprend mieux sa nature, son histoire, son importance, ses impacts matériels et spirituels, alors on l'aime passionnément, on l'adopte. On s'y attache en l'accomplissant dans les normes. On délaisse les craintes et les appréhensions pour finalement concilier le corps et l'âme avec Dieu, avec soi-même, avec ses proches, les autres et son environnement. Sinon le jeûne demeure une corvée et le mois de Ramadhan un supplice. On risque de passer complètement à côté. Ce n'est pas ce qui est voulu. Ce qui est recherché est de vivre pleinement ce mois sacré. Il doit ramener la joie, la rahma et la piété et non la haine, le dégoût de la vie et le laisser-aller. Le premier verset instaurant le jeûne à Médine, deuxième de l'Hégire, a débuté par ce rappel en soulignant que c'est la continuation d'une tradition remontant loin dans le temps. “Ô vous qui avez cru, il vous est prescrit de jeûner, à l'instar de ceux qui vous ont précédés, afin que vous manifestiez votre piété”. C'est comme cela qu'il a été perçu dans les premières années à Médine en apportant un air nouveau, un comportement nouveau et un second souffle à la Révélation. Il a permis aux fidèles de mieux se retrouver et de s'inspirer, à la mosquée de connaître une nouvelle animation, et à la ville, une nouvelle dynamique et une ambiance de fête. Comparativement aux pratiques du jeûne des gens du Livre, plus ou moins respectées de nos jours, le jeûne en Islam a apporté son cachet en l'élevant au rang de pilier. Du reste, le Coran mentionne avec grand respect les jeûnes et les prières historiques célèbres, notamment de Moïse parti à la rencontre de Dieu sur le mont Sina, de Daoud, de Marie et de Zakarie, sur eux le salut de Dieu. Aujourd'hui, le jeûne demeure un phénomène de société et un facteur puissant qui encourage le dialogue, la compréhension et le rapprochement avec les autres, mieux peut-être que tout autre. Dans les sociétés et communautés musulmanes, le jeûne est accueilli avec la joie et le recueillement malgré les vicissitudes de la vie, notamment pour les déshérités, les malades et les pauvres. Mais il leur apporte de l'espoir. C'est beaucoup. L'on patiente pour vaincre la faim, la soif et la fatigue y compris durant la saison chaude. Il y a place pour beaucoup de choses pour se soulager et se divertir dans la correction. Il y a les bons souvenirs, mais il y a aussi de la créativité et des initiatives de bienfaisance. Nos chroniqueurs, nos artistes et nos comédiens ne sont jamais aussi actifs qu'en cette période. Le grand public est aussi assoiffé pour être à l'écoute des nouveautés. Il faut se surveiller des excès de paroles et de geste. Le croyant a une double joie, nous dit le hadith : lorsqu'il rompt à la fin de la journée et lorsqu'il finit son mois. En tant que tradition, le jeûne a une dimension religieuse, culturelle et sociale universelle. Que de joies nous attendent in Cha Allah. Demain, la fête.