Le mois de Ramadhan et la rentrée scolaire sont deux occasions qui riment, depuis bien des années, avec cherté. Tourmentés et du fait de leur quotidien déjà précaire, les Algériens sont aujourd'hui contraints à faire face à deux événements requérant des dépenses démesurées. En effet, le mois de Ramadhan, dont nous sommes à la deuxième semaine, et la rentrée scolaire qui aura lieu quelques jours avant l'Aïd, sont deux occasions qui riment, depuis bien des années, avec cherté. À Tiaret, comme ailleurs, les vacances estivales à peine finies, les ménages, tout angoissés, s'adonnent à un jeu pour mettre à épreuve leurs faibles bourses. Néanmoins, la conjoncture ramadhanesque veut que les gens soient d'abord branchés sur la mercuriale tant appréhendée des produits de large consommation durant ce mois sacré. En effet, si les prix de certaines denrées, surtout les fruits, légumes et viandes, avaient connu une insignifiante stabilité, hormis la pomme de terre qui devient un produit de luxe, ils ont fini par connaître une escalade vertigineuse durant les premiers jours du Ramadhan. Il va sans dire que, même s'il fallait s'y attendre, l'inflation a vraiment dépassé le seuil de l'inconcevable quand on sait que la pomme du terre, considérée comme la viande des pauvres, est maintenue entre 40 et 45 dinars, l'oignon a quadruplé de prix pour passer de 10 à 40, voire 50 dinars, l'ail de 120 à 300 dinars, la salade, la carotte, la tomate et l'aubergine entre 60 et 80 dinars. Quant aux viandes, elles sont cédées à des prix pour le moins inabordables sachant que le kilo de viande bovine est affiché à 750 dinars alors que celui de la volaille frôle les 400 dinars (à prendre ou à laisser). Cependant, les plus proches du marché nous expliquent que cela est loin d'être véhiculé par une banale insuffisance des produits, mais plutôt par la multiplication des marchands informels et la confusion que connaissent, selon certains commerçants, les marchés de gros où le monopole devient restreint.“Il s'agit d'un état de fait visible qui, en plus du désordre qui émaille les marchés de gros où fourmillent spéculateurs, faux commerçants et intermédiaires, mène fatalement à cette flambée des prix, puisque ces derniers sont libres et dépendants de la règle de l'offre et la demande”, maintient un marchand de légumes qui semble mettre en cause cette idée de “sucer” le sang d'autrui durant cette période bien précise où, au contraire, l'Algérien, dans son statut de musulman, doit être solidaire du concitoyen dépourvu. Le climat s'affiche des plus angoissants pour les pères de famille qui ne cessent de méditer sur leur sort et celui de leur progéniture. “Conjointement à la rentrée scolaire qui ne nous épargnera guère, voilà que nous sommes déjà dépouillés par les dépenses du Ramadhan”, clamait une jeune femme rencontrée au marché Volani. Veuve et mère de quatre enfants tous scolarisés, elle ne peut plus compter ses sous, voire son piteux salaire acquis, bon gré mal gré, dans le cadre du filet social. “Je vous avoue que je perds tous mes repères quand je sais qu'un quintal de semoule ordinaire fait 4 000 dinars et qu'un paquet de lait en poudre 240 dinars alors que ma rente n'excède guère les 3 000 dinars, une angoisse en cache une autre pour nous les faibles qui sommes et demeurons otages des grosses bedaines”, devait-elle enchaîner. Cependant, si l'on vient à décortiquer les faits, nous parviendrons à dénoter un nombre incalculable de chargés de familles dont le quotidien est similaire à celui de cette jeune mère. Pour la plupart de ces derniers,l'appréhension s'accentue de jour en jour en pensant aux prochaines dépenses. Une virée au niveau de certains quartiers de Tiaret nous a permis de voir cette triste réalité de près. Se bousculant déjà au portillon, certains tentent, vaille que vaille, de réconforter leurs petits. “Durant toute l'année, je me suis sacrifié pour économiserer un peu d'argent, de quoi assurer une bonne rentrée scolaire à mes cinq enfants un universitaire, deux lycéens et deux collégiens. Je me suis privé de tout, même des vacances” nous a déclaré un homme, petit fonctionnaire de son état. Autant rappeler que l'allégresse que la rentrée scolaire aurait pu donner à ces chérubins, devient un véritable casse-tête pour les parents, notamment pour les familles à faible ou moyen revenu. En plus de la cherté de la vie, le bât blesse encore quand on pense à la conduite de certains enseignants lesquels, dans plusieurs cas, exigent aux élèves des fournitures de haut de gamme. “On dirait que ces enseignants ne vivent pas avec nous et sont loin du calvaire que nous, les chargés de familles, endurons à longueur d'année et cela ne fait qu'approfondir notre misère et nous donner quotidiennement des sueurs froides”, se lamente cette dame qui ne sait à quel saint se vouer.