Après le succès arabe du feuilleton “Sidna Youcef”, obtenu en 2003 au festival de Manama, il fallait bien récidiver maintenant que la voie était balisée, tant sur l'écriture du scénario que de la réalisation avec la constitution d'une technique artistique qui avait montré qu'on pouvait compter sur elle dans un domaine jusque-là classé chasse gardée des orientaux. Ces derniers nous ont toujours considérés comme un vaste champ de consommation en matière de films et de documents religieux. S'il faut souligner qu'il y a un début de réveil et de prise de conscience pour faire quelque chose au niveau de l'ENTV, force est de constater qu'il y a beaucoup à faire pour aider la production locale et diminuer ou mieux sélectionner l'importation en devises des productions avec tout ce qu'elles comportent et véhiculent comme mode de pensée et de dominations artistique et autres. Les complexes du cinéma et les studios du Caire, de Damas, d'Amman, de Riyad et autres capitales se rivalisent pour nous écouler leurs produits dont beaucoup ne sont que des spaghettis religieux que nous avalons avec consentement et en toute impuissance. Le succès du feuilleton Sidna Youcef était un véritable pavé dans la mare en gênant ces intérêts et en bousculant la hiérarchie. Mme Khatir, directrice alors de la III, qui avait été dépêchée à Manama pour représenter l'Algérie à ce festival, était revenue impressionnée par les éloges faites sur place concernant le feuilleton. Comment réalise-t-on de choses pareilles en Algérie ? Lui avait-on dit avec étonnement. Cela avait été pour moi, auteur du scénario, et toute l'équipe de réalisation, un motif supplémentaire pour lancer une deuxième expérience intitulée les sept paraboles contenues dans Sourate El-Kahf, (les gens de la caverne) non moins talentueux au plan de la qualité et du style. Sur le terrain, des difficultés apparurent curieusement. Nous l'avions présenté devant les services de l'ENTV qui nous avaient fait courir pendant deux ans en nous imposant des restrictions financières. Au lieu qu'il soit filmé à l'air libre, comme le premier qui avait été en grande partie tourné dans le parc de Chréa, les sites féeriques de Hammam Melouane, la Chiffa et les vestiges historiques de Tipasa et de Cherchell, grâce au concours précieux de ces deux wilayas, le réalisateur avait été contraint de le produire en studio et à la va-vite. Résultat : on avait sauvé la face, en passant à côté du sujet. Mais malgré tout, il avait réalisé et passé dans les trois chaînes. À première vue, la série apparaît comme une série narrative, une lecture pédagogique ou une production documentaire. Il y a plus. Yazid Smaïl, son producteur exécutif, qui se spécialise ainsi dans ce genre de production, avait gardé la même équipe que celle du feuilleton Sidna Youcef. On ne change pas une équipe qui gagne. Il y avait l'omniprésent Mégari, aux envolées narratives remarquables, les acteurs Amina et Brahim qui avaient trouvé plus d'ardeur et de style et le jeune psalmodiant Riad. La nouveauté est l'arrivée d'Afifa qui avait pris les commandes de la production pour assister Yazid. Les trois premières émissions sont surtout introductives aux récits et paraboles au nombre de sept contenus dans sourate El-Kahf, qui, selon la tradition, ont émerveillé et soulagé le cœur du Prophète (Prière et Salut sur lui) face aux pressions et menaces persistantes des Koreïchites. Ces derniers, las d'avoir usé de la force, ont voulu en s'entraidant de certains érudits parmi les gens du Livre, autres ennemis jurés du Prophète, (P et S. sur lui) à élever le débat pour le défier en le portant sur le terrain de l'histoire, la culture, la philosophie et la science. Ainsi approché, le téléspectateur est invité à suivre le cheminement de ces récits passionnants et instructifs dans toutes les étapes. Comme commentaire en français sur le récit des gens de la caverne, récit appartenant au patrimoine universel, il n'y a pas mieux que celui que le regretté Hamza Boubakeur lui a écrit dans son préambule. Il tenta d'y apporter tout l'éclairage. Nous conseillons vivement sa lecture. En langue arabe, l'interprétation de Cheikh El-Bayoudh demeure également une référence chez nous puisqu'il lui avait consacré tout un ouvrage. Pour beaucoup, sourate El-Kahf s'assimile à ce récit. La vérité est tout autre car elle renferme trois autres récits (le riche et le pauvre, Moïse et El-Khadir et Dhu El-Qarnaïne) et trois paraboles (la vie ici-bas, Adam, le Coran). La logique et le style prédominants sont propres à la narration. Ainsi le lecteur est submergé de scènes et de dialogues qui succèdent à une cadence soutenue pour le conduire d'un monde à un autre tout aussi merveilleux à découvrir et à revivre. Sur le plan idées, le premier récit, le principal, peut être approché en une dizaine de scènes si l'on inclut l'introduction qui apporte un baume au cœur du Prophète (P et S. sur lui) en lui annonçant la bonne nouvelle, celle qui apporte la réponse aux interrogations posées par les Koreïchites pour le défier et tenter le ridiculiser. Ces derniers ont voulu porter le combat sur un terrain en pensant que le Prophète (P et S. sur lui), l'analphabète, ne maîtrisait pas. Celui des idées, de la connaissance, de l'histoire, de la philosophie, la science et de la politique. Pour cela, ils avaient cherché aide et conseil chez certains penseurs et homme de religion parmi les gens du Livre et savants de l'époque. S'il est réellement envoyé de Dieu, il devra répondre juste. Le Prophète était gêné avant que la révélation de la sourate n'apporta la réponse exacte sur tous les points soulevés, laissant perplexe ceux qui les avaient posés et les autres derrière. En recommandation d'un hadith, les fidèles la lisent le vendredi. Sa lecture permet de protéger contre les déviations et la venue annoncée du faux Jésus et de ses méfaits ravageurs. Il n'en demeura pas moins qu'elle renforce la croyance et la personnalité du musulman, constitue un trait d'union entre les musulmans et les gens du Livre et les autres par l'institution d'un dialogue en élevant le débat au domaine de la culture, de la science, de la philosophie et de l'histoire. Demain : pourquoi le troisième feuilleton “le défi des poètes”, un chef- d'œuvre en la matière, proposé à la commission de lecture en 2006, n'a pas pu voir le jour.