En dépit des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de millions de dinars, annuellement “bouffés” par le chapitre “nettoyage” des villes et des centres urbains, les résultats ne sont guère tangibles sur le terrain. La saleté est partout, les ordures et les déchets ménagers, ainsi que les décharges sauvages continuent de caractériser le milieu urbain. Les campagnes de nettoyage et de salubrité, menées tambour battant sur instruction diligentée “d'en haut” n'ont plus cours. De facto, villes, plages et bourgs ont été investis par les décharges sauvages. Jamais, au grand jamais, Mostaganem, wilaya et chef-lieu de wilaya, n'a été aussi sale, voire insalubre ! À Mostaganem-ville, l'oued Aïn Sefra a changé de vocation. Sa dénomination n'est plus appropriée. Et pour cause ! Outre le véritable canal d'eaux usées qu'il est devenu, il a été condamné à héberger sur ses berges nombre de décharges sauvages, dont la plus vaste se trouve en son amont, derrière le non moins réputé marché des fruits et légumes. Outre le visiteur ou le passager en ville, ce sont les locataires riverains de la grande artère Abdelkader-Khattab qui en “souffrent” le plus. Au gré des vents dominants, ils sont soumis à d'interminables séances de fumigation. Privés de la fraîcheur marine, ils sont contraints de vivre en claustration. Et ils ne sont pas les seuls à vivre le supplice ! Pour leur part, les bords des chaussées sont le plus souvent envahis par des sachets, des bouteilles en plastique et autres canettes. Les marchés ne sont pas en reste. Ils ressemblent beaucoup plus à des voiries qu'à des espaces commerciaux. Au lendemain de la modernisation des services communaux en charge de l'enlèvement des ordures, par leur dotation en camions à benne-tasseuse, nombre de citadins avaient cru que le ramassage des ordures allait être plus “sérieux”. Oh ! Que nenni ! Les ordures sont, certes, enlevées mais leur tassement, au fur et à mesure, générera souvent un autre souci de pollution et d'insalubrité. L'épandage du “jus” échappant des camions, appropriés pour la collecte des ordures sèches, souillera toutes les artères desservies par la flotte de véhicules. Un “jus” qui, au gré des pentes de la voirie, ruisselle vers les caniveaux pour constituer des mares nauséabondes particulièrement propices pour la “culture'' des moustiques et des mouches, gros comme ça ! À défaut de pente, il couvre la chaussée de sa crasse visqueuse et odorante, à soulever… les cœurs ! En dehors des centres urbains, certains exploitants agricoles, auxquels aucune autorité ne s'est préoccupée à “leur tirer les oreilles”, infestent et infectent de longs tronçons routiers en déposant dans leurs champs des tas, voire des monticules de fiente de volaille, qu'ils ne s'empressent guère d'enfouir. Les usagers de la route qui passent dans les parages se doivent de fermer les vitres des véhicules et de boucher le nez, de longues minutes durant. Un supplice vraiment atroce pour les habitants riverains dont on a du mal à imaginer la passivité à l'égard d'un tel état de fait ! Etrange paradoxe ! Autant les entrées et les alentours des immeubles et des habitations sont sales et pollués, autant les ménages et l'intérieur des appartements sont propres et salubres ! Cette réalité peut être vérifiée dans n'importe quelle cité, ville ou agglomération en rase campagne. Mieux encore, l'intérieur de certains logements n'a rien à envier à celui des grands hôtels avec toutes les décorations et les installations qu'on y trouve. Le tout agrémenté d'une propreté irréprochable. Mais il suffit de quitter le seuil, le perron ou la véranda pour découvrir toutes sortes de détritus, parfois, dans les escaliers déjà. Ainsi, quand il s'agit de nettoyer et de décorer son “chez-soi”, on ne lésine point, ni sur les moyens ni sur l'effort. Mais dès qu'il est question de veiller à la propreté des espaces “communs”, on demeure aucunement concerné. Une situation qui prouve, on ne peut mieux, que la propreté est loin d'être une préoccupation majeure de la communauté. Pire encore, c'est à se demander si la malpropreté n'a pas été érigée en trait caractéristique de notre culture. Que de bennes poubelles qu'on ne vide qu'épisodiquement, de sachets poubelles éventrés par les chats errants, qu'on n'enlève qu'en fin de matinée avec toute leur puanteur, et de larges aires de terre battue, non aménagées et jamais entretenues, parsemées d'herbes desséchées que décorent les fameux sachets noirs qui ont viré au bleu, blanc et marron, depuis que le “noir” a été décrété “indésirable” pour sa nocivité potentielle. Aucune cité, quel que soit le statut social de ses locataires, au centre de la ville ou en dehors, n'est bien lotie en la matière. Seuls les abords immédiats et l'itinéraire habituel de l'autorité officielle donnent l'illusion de propreté. Partout, les détritus et autres ordures font partie intégrante du cadre de vie. “On est machinalement attiré par tout ce qui est propre, c'est la preuve que la saleté est la règle chez nous”, ironise Bendehiba, un chirurgien-dentiste établi à Bouguirat. Pour ce défenseur de la nature, le commun des citoyens a, désormais, pris l'habitude de se débarrasser de ses ordures n'importe où. Le comble est que cette situation n'émeut plus grand monde. D'aucuns la trouveront “normale”, pour reprendre le vocable en vogue. “Après tout, nous ne sommes pas des Européens !” vous dira-t-on. Fatalement ! M. O. T.