Au bord de l'asphyxie, le secteur du textile et des cuirs en Algérie traîne toujours une somme de boulets. Quatre-vingt mille emplois ont été perdus depuis une vingtaine d'années, des usines fermées, d'autres sont moribondes. Sur les sites des unités de production et des grands complexes qui furent le fleuron de la politique de l'industrie industrialisante, l'activité qu'on y menait fait partie d'une époque révolue. Les pouvoirs publics n'ont pas été en mesure de réussir la relance de cette branche de l'industrie qui aurait pu, crise économique oblige, économiser au Trésor les 6 milliards de dinars par an en importation. Au meilleur des scores, le textile n'atteint pas les 2% dans la formation du PIB, moins de 1% des investissements dans l'industrie y sont absorbés et seulement 4% des revenus des ménages vont au secteur de la confection. Pour la confection-bonneterie, la production a été divisée par 2,5 sur 10 ans. La production textile-confection s'est effondrée jusqu'à atteindre le quart de sa valeur des années 1990. Entre 1998 et 2003, révèle une étude d'un bureau américain commandée par le ministère de l'Industrie, les exportations ont été divisées par 20. De 42,2 millions de dollars en 1996, elles ont reculé à 2 millions de dollars en 2001. Les raisons de cette chute sont listées tant sur le plan interne qu'externe. Au niveau national, une succession de restructurations stériles a abouti à des dépenses colossales avec des résultats médiocres. Pour la seule décennie 1990, le soutien du Trésor public s'est chiffré à plus de 88 milliards de DA. Ces restructurations n'ont abouti à aucun résultat palpable sinon d'allonger la liste des unités qui ont mis la clé sous le paillasson. L'alternative de la privatisation, sur laquelle on portait beaucoup d'espoir, s'est finalement soldée par un désintéressement total de la famille des opérateurs économiques. D'ailleurs, le privé affiche de plus en plus son absence, alors qu'il représentait 60% du marché de la confection. Ils étaient 3 400 industriels et artisans dans le domaine de la confection à s'approvisionner à partir des unités de la Sonitex. Aujourd'hui, une grande majorité s'est convertie dans l'import-import. Actuellement, l'Algérie compte une soixantaine d'entreprises qui œuvrent dans le textile, et dont la production est de 20 à 25 millions de mètres linéaires par an. Toutefois, cette production ne couvre que 10% du marché national, qui demande approximativement 100 millions de mètres linéaires par an. Au niveau international, le marché mondial du textile et de l'habillement a connu, depuis le 1er janvier 2005, un bouleversement de taille dans la mesure où les dernières barrières sur les quotas d'exportation ont été levées au profit, bien sûr, des pays où le coût à la production est très bas et qui disposent d'une expérience leur permettant de produire en quantité et en temps voulu. Dans ce contexte, l'adhésion de l'Algérie aux accords d'associations de l'UE et son intégration à l'OMC lui imposent le respect obligé de toutes les mesures induites par les deux institutions internationales comme la levée des restrictions douanières, la fin de toute forme de protectionnisme contre lesquelles même les pays les plus développés n'ont rien pu faire notamment devant l'inexorable avancée d'une production asiatique (Chine, Inde, Pakistan, etc. et/ou partiellement certains anciens pays de l'Europe de l'Est. Il faut retenir, d'ailleurs, que le textile chinois et pakistanais a complètement investi le marché national. Devant la crise et la léthargie qui le caractérisent depuis des années, un énième plan de développement et de restructuration est accepté par les pouvoirs publics et sera mis en application très prochainement. L'objectif recherché est de revoir l'ensemble du parc national de production en matière d'investissement, de formation et des possibilités de réorganisation des filières textiles en les regroupant. Pour Amar Takjourt, secrétaire général de la fédération UGTA du textile et du bois, qui y croit dur comme fer, il est impératif que ce plan soit mis en œuvre car il s'agit de la survie de tout un secteur afin de sauver les 72 entreprises toujours en activité. “Si nous récupérons de nouveau 10% de parts de marché, nous récupérerons au moins 10 000 postes de travail que nous avons perdus durant les vingt dernières années”, a estimé M.Takjout. Cependant, s'il est acquis que le renouvellement de l'appareil de production nationale générera la création de postes d'emploi, il est moins sûr qu'il puisse résorber la crise existante et amortir l'investissement déjà réalisé.