“Je pars la tête reposée, mais surtout avec le sentiment du devoir accompli.” Les autorités algériennes l'ont vivement souhaitée et réclamée. Elles ont fini par l'obtenir : la tête de Paolo Lembo. Le diplomate italien, représentant du PNUD et coordonnateur du système des Nations unies en Algérie depuis 2001, a plié bagage, jeudi dernier, et est rentré à New York. Sa tête ayant été mise à prix par les responsables de la diplomatie de notre pays qui lui reprochent “l'agitation et les gesticulations”, M. Lembo a préféré quitter son poste dans un pays où il est devenu encombrant, voire indésirable. Depuis le 16 juin dernier, date de l'envoi par l'ambassadeur permanent à l'ONU, Bâali, de la fameuse lettre à l'administrateur du PNUD à New York, lui demandant de rappeler son diplomate, qui a osé mettre son nez dans des dossiers très sensibles, M. Lembo savait que ses jours étaient comptés, en dépit d'un soutien sans réserve qui lui a été témoigné par ses responsables depuis les Etats-Unis. Mais quelque chose est cassée entre lui et les autorités algériennes. Il ne lui était plus possible de travailler dans un pays où il est déclaré persona non grata. La mort dans l'âme, M. Lembo est parti laissant des… lambeaux de projets et de programmes très prometteurs pour la construction de l'Etat de droit, qui ne verront sans doute pas le jour. Jeudi dernier, le diplomate italien de l'ONU a dû emporter dans ses bagages bien des projets qui lui tenaient à cœur et qu'il n'a pu réaliser. Tel un baroud d'honneur, M. Paolo Lembo a assisté, la veille, à la signature d'un mémorandum de coopération dans la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et le blanchiment d'argent, entre le ministère algérien de la Justice et un organisme italien antimaffia. Un protocole d'accord dont Paolo Lembo a été pour beaucoup dans sa conclusion, en ce sens où c'est lui-même qui a convaincu Piero Luigi Vigna, procureur national de la direction nationale antimaffia de venir en Algérie, pour aider à la formation des juges pour qu'ils soient plus indépendants. Le projet est immense. Le chemin était parsemé d'embûches. Mais grâce à sa ténacité et celle de M. Charfi, ministre de la Justice, le protocole a pu être ratifié mercredi dernier. Il porte notamment sur l'intensification de la lutte contre le crime organisé, le crime financier, la corruption, le terrorisme et le blanchiment d'argent à travers l'échange d'informations. Contacté par nos soins, peu avant son départ pour New York, Paolo Lembo n'a pas caché sa satisfaction de voir le programme aboutir. “Je pars la tête reposée et surtout avec le sentiment du devoir accompli”, nous a-t-il confié. Il révélera aussi que, désormais, la mission onusienne en Algérie, sera confiée à son adjoint. En clair, à l'ONU, on n'a pas l'intention d'envoyer un remplaçant de Paolo Lembo, du moins à moyen terme. Pour cause, à New York, le diplomate italien bénéficie d'un grand soutien de la part de ses collègues et responsables, après la mésaventure qu'il vient de vivre. Son expulsion étant une première pour un fonctionnaire de ce rang, des sources informées indiquent qu'il ne tardera pas à être affecté dans un autre pays. Ce qui est loin d'être une sanction. Aussi, le Parlement européen a-t-il assuré M. Lembo de son entière solidarité. Dans une lettre rendue publique par le groupe socialiste des euro-députés, dont Liberté détient une copie, les parlementaires ont exprimé leur “très grand étonnement devant cette décision — le renvoi de Lembo — injustifiée”. Ils ont aussi souligné les “efforts” qu'il a déployés lors du récent tremblement de terre qui a frappé l'Algérie. Enfin, ces députés, qui ont séjourné en Algérie du 5 au 7 juillet, ont manifesté leur “solidarité avec ce travail sérieux réalisé par M. Lembo, malgré les limitations de mouvement qu'il a trouvées dans sa réalisation”. Maintenant que le gêneur est parti, quel sera le sort des programmes onusiens déjà lancés et ceux qui étaient dans l'agenda du PNUD ? C'est le grand point d'interrogation. H. M.