En mai dernier, l'UNPA accusait ouvertement Barkat de favoriser “sa” wilaya au détriment d'autres régions de même potentiel agricole. Vrai ou faux ? Une chose est certaine : à Biskra, la “patte” du ministre est un secret de Polichinelle. La wilaya de Biskra peut, à juste titre, se targuer d'être l'une des wilayas agricoles les plus prospères du pays. D'ailleurs, cela se voit d'entrée, à la splendeur de ses vergers et à l'étonnante variété de ses cultures. Si les terres de Biskra doivent indéniablement leur exubérance à leur fertilité et, il faut bien le dire, au génie de ses agriculteurs et à leur engagement dans le travail de la terre, il est un autre facteur qui est venu donner plus de tonus à cette bonne santé, en l'occurrence, une attention particulière des pouvoirs publics et, pour tout dire, du premier responsable du secteur, Saïd Barkat himself. Une attention qui, de l'aveu même de ses habitants et autres responsables locaux, relève presque du “favoritisme” si l'on considérait l'importance des moyens financiers et matériels déployés en direction de cette région en comparaison avec d'autres. De source sûre, proche de la Direction des services agricoles de la wilaya, nous apprenons que depuis le lancement du Programme national de développement agricole (PNDA) et son corollaire, le Fnrda, en 2000, la wilaya de Biskra a bénéficié d'un soutien financier de plus de 1 000 milliards de centimes. Plus de 12 000 dossiers y ont été avalisés. La plasticulture est étalée sur 2 000 hectares. 50 unités de chambre froide ont été installées. 30 périmètres ont été dégagés dans le cadre de la mise en valeur par les concessions. La commune de Daoussen, qui est la première commune agricole de la wilaya et que d'aucuns se plaisent à surnommer “la Mitidja de Biskra”, a bénéficié, à elle seule, de plus de 100 milliards de centimes dans le cadre du Fnrda, selon la DSA. Il a été enregistré 709 bénéficiaires du Fonds de développement agricole dans cette localité. Près de 15 000 serres y ont poussé et des dizaines de forages et autres bassins d'accumulation pour l'application du goutte-à-goutte. Des ouvrages qui font la fierté de la région et que l'on peut admirer, du reste, tout au long des routes Biskra-Tolga ou Biskra-Ouled Jellal, avec, en caractères géants, le sigle “PNDA”, affiché avec ostentation tel un slogan de campagne. Mais ce que la recette de M. Barkat a apporté à la région, c'est surtout au niveau du renouvellement du palmier-dattier. À Daoussen, quelque 130 000 nouveaux palmiers ont été plantés depuis l'été 2000, tous destinés à la production d'une datte premier choix : la fameuse Deglet nour. Mais s'il est un indice de cette prospérité dans la wilaya de Biskra, c'est bien celui de la production céréalière. Ainsi, cette année a enregistré un excellent rendement de près de 380 000 quintaux. Qui plus est, les champs de Daoussen ont valu à la commune de battre un record en la matière, avec un pic de 70 quintaux par hectare. “C'est grâce à Barkat qu'on a eu de l'aide”, reconnaît un élu FLN siégeant à l'APC de Daoussen. “Avoir un ministre de la région, c'est un atout, c'est sûr”, reconnaît, de son côté, M. Abdellatif Bendjeddou, chef des services techniques au niveau de la Direction des services agricoles de Biskra, avant de préciser : “Mais le PNDA ne fonctionne pas au régime des quotas. Si une wilaya propose 10 projets, elle a un financement pour 10 projets. Si elle en propose 1 000, elle a un financement pour 1 000.” En tout cas, force est de noter que, derrière ce tableau reluisant, subsistent quelques taches noires. Le visiteur remarquera ainsi l'absence d'une industrie d'accompagnement, entendre tout ce qui touche à l'agro-alimentaire : usines de conditionnement, unités de transformation, chambres frigorifiques. Celles-ci coûtent les yeux de la tête (environ 500 millions) et, si l'Etat finance les projets à hauteur de 70%, il est toujours exigé un apport personnel que les agriculteurs ne possèdent pas. Par ailleurs, nous avons relevé que les fellahs éprouvent toujours des difficultés à comprendre les mécanismes de fonctionnement du financement “Barkat”, financement qu'ils appellent “atadîm”, le “soutien”. Comme l'illustre les tragiques pannes en série qui viennent de frapper des dizaines de pompes à eau dans la commune de Daoussen, la plupart des agriculteurs ne songent pas à assurer la totalité de leur matériel. “Ghir el-fellah li yerfad khouh el-fellah”, résume, en une formule qui en dit long, cet agriculteur qui nous affirme n'avoir jamais frappé à la porte de la CRMA ou d'une quelconque autre banque. Mais le problème par excellence dans la région, c'est l'insuffisance de l'énergie électrique, ce qui fera dire à un autre agriculteur : “L'Etat a beaucoup fait pour accroître le palmier, mais il n'a pas songé à nous donner une chose aussi élémentaire que l'électricité, si bien que les palmiers plantés dans le cadre du PNDA risquent pour une bonne partie d'entre eux de disparaître !” Il convient de rappeler que, lors d'une récente sortie médiatique, M. Mohamed Alioui, secrétaire général de l'Union générale des paysans algériens (UNPA), avait ouvertement accusé Barkat de dilapider l'argent du PNDA. Dans la foulée, il lui avait fait le grief de favoriser “une certaine wilaya” au détriment d'autres wilayas non moins importantes à l'instar de celle d'Adrar : “Moi, je pose la question : pourquoi Adrar connaît-elle un net recul au moment où une wilaya (allusion à peine voilée à Biskra, ndlr) jouit de crédits équivalant à vingt wilayas ?” “Il y a des inégalités criantes d'une wilaya à une autre dans l'octroi des aides aux agriculteurs. Certaines jouissent de milliers de milliards au moment où d'autres sont carrément marginalisées.” (in Liberté du 13 mai 2003). La sortie médiatique de M. Alioui avait donné lieu à une polémique autour du bilan du PNDA et de la destination des fonds du Fnrda. Il convient de relever particulièrement la montée au créneau de l'Union des agronomes (composée, entre autres, de cadres du département de M. Barkat) qui, dans un communiqué daté du 18 mai 2003, écrivait : “L'acte d'adhésion au PNDA est un acte libre, volontaire et responsable. Ce qui signifie que l'affectation des deniers publics alloués au titre du Fnrda n'est pas soumise au système des quotas ou à une quelconque répartition géographique ou administrative.” M. B. Pas de répondant au ministère de l'Agriculture Nous avons contacté le ministère de l'Agriculture pour avoir son point de vue sur le sujet. Il nous a été signifié que le chargé des relations avec la presse est en déplacement. Il va sans dire que nous sommes tout à fait disponibles pour écouter les éclairages et autres éclaircissements de M. Barkat sur la question des “disparités” attribuées au PNDA.