Prisons et vols secrets, enlèvements, torture : c'est tout le système Bush, mis au point après les attentats du 11 septembre 2001, qui a été jugé et condamné symboliquement mercredi à Milan, en Italie, à travers le procès de 26 agents de la CIA impliqués en 2003 dans l'enlèvement sur le sol italien et le transfert illégal en Egypte d'un imam soupçonné de terrorisme. L'imam Omar avait été enlevé un 17 février dans les rues de Milan par des agents de la CIA, avec la complicité d'éléments des services secrets italiens, avant d'être clandestinement conduit dans une base militaire américaine en Allemagne, puis transféré dans une prison en Egypte, son pays d'origine, où il a été détenu jusqu'en 2007 et où il affirme avoir été torturé. Robert Seldon Lady, chef de la centrale de la CIA à Milan à l'époque des faits, a écopé de huit ans de prison ferme et 22 autres agents américains ont été condamnés à une peine de cinq ans de réclusion. Le responsable de la CIA à Rome, Jeff Castelli, et deux autres ressortissants américains impliqués dans cette affaire ont échappé à la justice, bénéficiant de l'immunité diplomatique. Côté italien, deux agents ont été condamnés à trois ans de prison, alors que le chef des services secrets, Nicolo Pollari, soupçonné d'avoir épaulé les Américains dans l'opération d'enlèvement de l'imam égyptien, a été relaxé au nom du secret-défense. Les vingt-trois agents américains ont été condamnés par contumace, aucun d'entre eux n'ayant comparu au procès. Ils n'iront sans doute jamais en prison dans la mesure où le Pentagone a déjà exclu toute possibilité d'extradition des condamnés si l'Italie venait à en formuler la demande, chose très peu probable au demeurant. De plus, le département d'Etat a fait part de sa déception après le verdict sans appel de Milan, bien que l'Administration Obama, à peine installée, ait interdit les “extraordinary renditions”, ces vols et transfèrements secrets pratiqués par la CIA sous la présidence de George W. Bush. Il n'en demeure pas moins que ce procès, qui a duré vingt-huit mois, est une première en Europe et la sentence qu'il a rendue a été qualifiée de courageuse par l'ONG des droits de l'homme Human Right Watch. C'est la première fois, en effet, que des responsables de ces opérations illégales, décidées à Washington dans le cadre d'un plan de lutte antiterroriste à l'ombre duquel se sont multipliées les dérives, sont jugés et condamnés. Michael Hayden, alors directeur de l'agence américaine du renseignement, avait reconnu en 2007, du bout des lèvres, 50 cas de transfèrements forcés vers des prisons secrètes, dans des pays tiers. Le chiffre est en réalité bien en deçà de la réalité, puisque plus de 1 000 vols secrets de la CIA ont été enregistrés dans le seul espace aérien de l'Union européenne, selon un rapport du Parlement de Strasbourg.