Revenant sur les récents discours et déclarations du roi du Maroc et de la secrétaire d'Etat américaine sur le Sahara occidental, le professeur en relations internationales livre aux lecteurs de Liberté son analyse de ces sorties médiatiques. Dans les déclarations qu'a faites la secrétaire d'Etat américain au Maroc, à l'issue du Forum pour l'avenir, qui s'est tenu les 2 et 3 novembre dernier, le seul point intéressant est que Hillary Clinton réitère la continuité entre les présidents Bush et Obama sur la question du Sahara occidental, pour rassurer ses hôtes marocains. Elle ne mentionne pas le plan d'autonomie et dit bien “négociations sans préconditions”, ce qui veut dire qu'on n'insiste plus, comme sous Bush, sur l'autonomie comme sujet de négociation entre le Maroc et le Front Polisario. Dans l'entretien accordé à l'agence MAP, Mme Clinton réitère la continuité et le soutien américain au Maroc, mais elle ne déclare pas qu'elle soutient le plan d'autonomie, même si elle le dit indirectement. Il me semble que dans cette interview, elle a surtout tenté de rassurer le Maroc, comme quoi les Etats-Unis ne l'ont pas lâché. Sur un autre plan, le discours de Mme Clinton pourrait avoir trait au développement du dossier israélo-arabe. Les Américains semblent avoir pensé naïvement que le Maroc pouvait convaincre Mahmoud Abbas de ne pas se retirer de la présidentielle, l'année prochaine. Les Américains sont dans une mauvaise posture : ils ont promis de relancer le processus au Moyen-Orient de manière équilibrée et ils n'ont fait que s'aligner sur la position israélienne. Le problème pour les Etats-Unis est la perte de crédibilité aux yeux des pays arabes, même ceux dits “modérés”, car aucune administration n'a de pouvoir lorsqu'il s'agit d'Israël. Adieu le rétablissement de la confiance avec les pays arabes et musulmans ! Quant au discours du roi marocain, du 6 novembre, il s'est voulu très radical pour impressionner les Américains. Mohammed VI menace tous ceux, à l'intérieur du Maroc, qui souhaitent une sortie démocratique sur la question du Sahara occidental. Dans ce discours, il parle de démocratie et de droits de l'homme, pour la consommation externe, mais il menace ceux qui ne sont pas suffisamment “patriotes”. La contradiction est flagrante : au Maroc, on est démocrate, mais on ne donne pas un avis contradictoire sur la question sahraouie. C'est aussi une justification de la répression contre les Sahraouis et de l'emprisonnement récent des sept activistes. L'Algérie n'a pas encore réagi aux attaques contenues dans le discours de Mohammed VI. Pour ce qui est des relations entre les Etats-Unis et l'Algérie, c'est le “business as usual”, puisque la position américaine, quelle qu'elle soit, ne dérange pas les relations entre les deux pays. Les Américains, en somme, n'ont pas trop peur d'offenser l'Algérie. Et, le statu quo, favorable à leur allié traditionnel (le Maroc), ne les gêne pas du tout. Quant aux Algériens, ils n'ont rien tiré de la coopération antiterrorisme avec les Etats-Unis. Tant que l'Algérie ne fait pas valoir ses intérêts et ne conditionne pas sa relation avec les Etats-Unis sur un règlement qui tienne compte des intérêts algériens dans la région, il n'y a rien à espérer : le statu quo persistera. Ils ont cependant bien compris qu'être trop proches des Etats-Unis, surtout au vu de la politique américaine au Moyen-Orient, leur serait préjudiciable.