L'athlétisme algérien va mal. Les résultats sont là pour le prouver. Mis à part quelques exceptions rarissimes, nos athlètes font de la figuration sur le plan mondial. Sid-Ali Sakhri, un ex-spécialiste de demi-fond qui a marqué de son empreinte la discipline en tant que coureur et entraîneur, décortique la situation actuelle de l'athlétisme en Algérie et n'hésite pas à pointer un doigt accusateur sur les responsables actuels. Liberté : Tout d'abord, que devient Sid Ali Sakhri ? M. Sakhri : Il faut savoir qu'il y a de cela une saison, j'étais entraîneur national des courses sur route, c'est-à-dire le marathon et le semi-marathon. Pour des raisons sur lesquelles nous y reviendrons, si vous le voulez bien, plus tard, j'ai quitté mon poste à la fédération d'athlétisme pour prendre en charge la préparation de l'équipe nationale de la Protection civile. Une formation qui renferme cette saison des champions d'Algérie à l'image de Belhout et Dahbi. Il faut savoir aussi qu'avec mes propres moyens, j'ai pu mettre en place une école spécialisé dans le domaine du fond. Le projet remonte à trois ans et j'avais les meilleurs athlètes dans cette spécialité. Les résultats ont suivi illico presto, notamment aux championnats du monde 2001 où mes cinq athlètes ont pu arracher une méritoire septième place. Cependant, avec la venue de l'ex-DEN, M. Bensaâd qui a décidé unilatéralement d'annuler toute participation aux championnats du monde du semi-marathon, notre élan a été cassé. Les athlètes ont été brisés, et c'était certainement une façon on ne peut plus clair de me mettre les bâtons dans les roues. C'est alors que j'ai décidé de me retirer de la fédération pour que l'on cesse de faire du mal aux athlètes. Mais plus tard, il y a eu aussi la venue du DEN Belhadoudja avec lequel vous aviez pu vous entendre ? Personnellement, j'avais souhaité la bienvenu à M. Belhadoudja et je lui ai même proposé toute mon assistance sans pour autant réclamer quoi que ce soit, car je ne suis pas de ceux qui courent derrière les postes. Je lui ai même remis un plan d'action avec une liste de noms d'athlètes sur lesquels la fédération pouvait compter. Cependant, M. Belhadoudja s'est vite rendu compte que des personnes malveillantes à la fédération faisaient tout pour lui barrer la route. L'intéressé est plus à même de vous parler de cette situation conflictuelle permanente, mais je peux vous dire, et j'assume mes dires, que ce sont les gens proches, au sein de la fédération de M. Amar Brahmia qui sont derrière cette machination. En clair, c'est le clan Brahmia. D'ailleurs en 1997, lors de son passage à la FAA, belhadoudja avait démissionné de son poste à cause de ces gens-là. Mais pourquoi précisément M. Amar Brahmia ? Eh bien pour la simple raison que M. Brahmia veut être le patron à la fédération. Il vaut décider de tout, remplir le rôle d'entraîneur national, DEN, DAG, tout, tout…! Pourtant, il faut rappeler que M. Brahmia a été déjà évincé de la fédération pour des pratiques douteuses, on lui avait déjà signifié à l'époque, qu'il a été limogé pour avoir pistonné des athlètes du Mouloudia pour qu'il puissent bénéficier de stages à l'étranger avec l'EN alors qu'il n'avaient même pas leur place. En tant qu'entraîneur du demi-fond, il avait reçu de la fédération une enveloppe de plus d'un milliard de centimes pour la préparation des athlètes. De l'argent qui ensuite a servi ses intérêts personnelles à coups de falsifications de factures et de détournements. Le malheur c'est que Brahmia a été limogé sans que personne ne lui demande des comptes. Mais M. Brahmia a fini par être ensuite réhabilité avec son retour à la fédération, n'est-ce pas ? ll Pis, aujourd'hui, Brahmia fait la pluie et le beau temps à la fédération. La raison réside dans le fait que certains décideurs au niveau de la fédération ont des intérêts communs avec Brahmia. Sinon comment peut-on fermer les yeux sur les pratiques de Brahmia lors des stages à Ifrène (Maroc) par exemple : imaginez-vous qu'au lieu de placer des athlètes dans des conditions idéales, Brahmia s'arrange toujours pour louer une maison et transporter la nourriture d'ici d'Alger au Maroc, dans le but de réaliser des économies considérables en devises qui iront ensuite bien sûr dans sa poche. Un rapport à ce sujet a été fait à la fédération, mais personne n'ose bouger le petit doigt même. Des rapports envoyés au ministère de la Jeunesse et des Sports sont restées lettre morte. Cela dure depuis des années pourtant. Mais M. Brahmia jouit aussi d'un statut certain au sein de l'athlétisme algérien… Moi je parle des pratiques de M. Brahmia. Je suis mal placé pour apprécier la qualité de son travail même s'il a travaillé avec moi en sélection nationale. Ce que je veux c'est que la fédération fasse toute la lumière sur cette affaire et rende publiques ses conclusions. Certains pourraient aussi penser à un harcèlement de votre part contre M. Brahmia… Non pas du tout. Il faut savoir que j'ai eu Brahmia comme entraîneur et comme manager ensuite. Je le connais parfaitement. Je suis prêt à contribuer à cette enquête. Je connais parfaitement le circuit et toutes manœuvres pour les stages à l'étranger que cela soit en France, en Suisse ou ailleurs. Il l'a fait avec Morceli et bien d'autres. Certains athlètes ont quitté la scène à cause de lui. Jusqu'à maintenant, il y a que l'ex-ministère de la Jeunesse et des Sports, M. Aziz Derouaz, qui a réagi en prononçant sa suspension. Le reste a laissé faire. Quel regard portez-vous sur l'athlétisme à au vu du dernier championnat d'Algérie et du dernier meeting international de Sonatrach ? Assurément, il y a une nette baisse de niveau. Cela est dû essentiellement à l'esprit gagne-petit qui règne chez nos athlètes. Ces derniers travaillent d'arrache-pied pour décrocher les contrats-programmes (bourses) de l'Etat. Une fois cet acquis réalisé, ils se limiteront à faire de la figuration sur le plan mondial, à l'exception de certains bien sûr. L'argent de l'Etat est aujourd'hui utilisé pour autre chose que la préparation et la prise en charge de l'athlète. Je connais même l'un d'entre eux dont je préfère taire le nom qui le jour où il a reçu son argent en devises dans son compte personnel à l'étranger est allé directement s'offrir la dernière création de la maison de voitures Volswagen. C'est dire qu'une fois cet argent entre les mains, nos athlètes n'ont pas la même motivation. Ils pensent à autre chose que l'amélioration des records. C'est là que le bât blesse. Il faudra certainement revoir cette méthode de subvention afin d'adopter une autre formule qui prône un contrôle rigoureux de l'Etat des sommes allouées aux athlètes. S. B.