Le conflit qui oppose le chef de service de chirurgie générale du CHU Beni Messous à onze médecins titulaires de l'unité prend de l'ampleur, en l'absence de l'arbitrage de l'administration de l'enceinte hospitalo-universitaire. Neuf chirurgiens — dont un professeur et plusieurs maîtres assistants — et deux médecins réanimateurs anesthésistes, affectés au service de chirurgie générale du CHU Issad-Hassani de Beni Messous, ont organisé, dimanche dernier, de 9h à midi, un sit-in en signe de protestation contre les méthodes de travail de leur chef de service qu'ils considèrent inconciliables avec les principes de leur métier. Le sit-in fait suite à une série d'initiatives, entreprises par le groupe de praticiens pour faire aboutir leurs revendications, brandies depuis des mois. “Le problème avec le chef de service ne concerne pas un ou deux membres de l'équipe, mais onze éléments titulaires sur douze. Nous n'avons jamais contesté son autorité, en tant que chef, mais nous ne voulons plus être gérés comme des soldats. Nous sommes ses collaborateurs, nous devons être associés à la gestion du service”, regrette le Pr Chaou. Dans une lettre envoyée à l'administration du CHU le 30 mai dernier, les pétitionnaires décrivent une situation dans le service “déplorable et intenable (…) Nos relations avec notre chef de service sont des plus tendues, empreintes de doutes, de suspicion et de susceptibilité dont l'origine ne nous incombe pas”. Ils font état de multiples anomalies, dont l'interdiction faites aux chirurgiens titulaires et médecins résidents d'accéder au bloc opératoire “sous prétexte de non-figuration sur le programme opératoire…”. En septembre, une autre lettre est adressée à la direction de l'hôpital. Ses auteurs s'insurgent contre la fermeture du service de chirurgie générale pendant plus de trois mois (de juin à la mi-septembre). Les activités de soin reprennent alors, mais la tension demeure palpable entre le Pr Djemli, chef de service, et son équipe médicale. Il en résulte de cause à effet deux motions de soutien. L'une est en faveur de deux chirurgiens, accusés de fautes professionnelle, et l'autre est lancée en signe de solidarité avec le Dr Abbou, spécialiste en chirurgie digestive, suspendu de ses fonction pour “insuffisances professionnelles graves et atteinte à l'étique”. Solidaires avec leur collègues, les chirurgiens estiment “ces accusations infondées et pour le moins impensables. Elles visent l'atteinte de l'intégrité morale et professionnelles de notre collègue au détriment de tous les services et devoirs exemplaires rendus, à ce jour, aux patients du service de chirurgie”. “Nous avons envoyé, au mois de mai, une correspondance à la direction du CHU pour évoquer nos problèmes. Nous nous attendions à l'ouverture d'un dialogue. Nous avons eu l'effet inverse sous forme de représailles et de sanctions”, déclare le Pr Chaou. Un autre chirurgien intervient dans la conversation pour reprocher à l'administration sa passivité face à une situation qui ne cesse de s'empirer. “Jusqu'à présent, nous avons été pacifistes, car nous avions encore espoir d'être écoutés”, continue-t-il. En définitive, les praticiens contestataires demandent l'instauration du dialogue et le rétablissement de leurs droits professionnels. Ils comptent faire entendre leur voix en portant leurs revendications sur la place publique. “La suite de la protestation dépendra de la réaction du chef de service et de l'administration”, indiquent-ils. Dans l'autre camp, la tendance n'est pas à l'apaisement. “La contestation ne me touche pas. Je ne cède ni au chantage ni à la pression”, riposte le Pr Djemli, chef de service de chirurgie générale du CHU Beni Messous. Il nous fait faire, avant même l'entame de l'entretien, le tour de l'unité, pour montrer qu'elle fonctionne normalement. Il nous fait entrer dans un hall séparant deux blocs opératoires où des interventions étaient en cours. Au retour dans son bureau, il soutient que les services hospitalo-universitaires sont mis sous la responsabilité d'un chef, qui a la latitude de déléguer ses prérogatives d'enseignement et de soins aux collaborateurs de son choix. C'est justement leur exclusion systématique de ces activités que lui reprochent les titulaires, qui font front contre lui. “Quand on n'est pas d'accord avec la marche du service, il n'y a qu'une solution : partir. Mais il ne convient pas de faire plier le chef de service à ses exigences”, assène-t-il, intraitable. À son tour, il accuse ses adversaires de manquement professionnel et de laxisme. Comme dans un match de ping-pong, les deux parties se renvoient diatribes et invectives. Chacune s'accroche à ses convictions et campe sur ses positions. Sans arbitrage, le conflit ne connaîtra pas son épilogue de sitôt, et ce au détriment des patients.