Dubaï avait tout d'une carte de visite pour les Arabes qui gagnent. Incapable d'honorer ses engagements financiers, l'émirat est aujourd'hui en faillite. Le mal est apparu en 2008 lorsque la crise financière internationale a éclaté. Dubaï a tout de suite commencé par avoir des difficultés de trésorerie alors qu'auparavant l'argent y coulait à flot, et pas seulement l'argent sale. La jet-set et les nouveaux riches cosmopolites et aux fortunes généralement suspectes ne juraient que par cette ville du troisième millénaire sortie du sable où étaient exhaussés même leurs fantasmes les plus fous. L'argent-roi est venu à bout de la culture et de la sociologie de ce petit carré de sable, faisant partie d'un environnement pour le moins des plus traditionnels, pour ne pas dire plus. C'est la région du salafisme et du chiisme dans leur version politique. Le pays, tiré par ses princes fascinés par les aspects rutilants et clinquants du post-capitalisme démesuré, a réalisé les rêves les plus fous. Des tours toujours plus hautes, des îles dans la mer, des hôtels que même Disneyland n'a pas osé imaginer… jusqu'à des pistes de neige sous des températures de 40 à 50 degrés. Bref, Dubaï a voulu surpasser le monde en se payant les meilleurs architectes, les meilleurs designers, les plus grosses pointures pour des travaux titanesques et déraisonnables, genre ce complexe hôtelier sous la mer, des gourous de la communication et du show-biz, des stars et starlettes à la pelle, des délinquants en col blanc, des mafias en quête de marchés bienveillants pour recycler l'argent sale. Evidemment, la ville a été construite par des ouvriers, des Asiatiques, de préférence de religion musulmane pour ne pas avoir de problème avec les coutumes locales. Et cette main-d'œuvre a été exploitée comme jamais dans des conditions à la limite de l'esclavage. Le Bit devra un jour expliquer son mutisme. Après coup, tout n'aura été construit que sur du sable. L'annonce, mercredi 25 novembre, du rééchelonnement de la dette de deux des groupes phares du miracle dubaien, le conglomérat Dubaï World et sa filiale immobilière Nakheel, a eu l'effet d'un tsunami. Tous les marchés financiers internationaux impliqués dans la saga ont été secoués, provoquant une chute des obligations islamiques. La révélation de la dette de Dubaï World (holding attrape-tout : transports, ports, immobilier, loisirs) estimée à 59 milliards de dollars, nous apprend qu'elle représente l'essentiel de celle de l'émirat, évaluée à environ 100 milliards de dollars. Sa filiale Nakheel, promotrice de la construction des célèbres îles artificielles en forme de palmiers, est incapable de rembourser, d'ici au 14 décembre, une obligation islamique d'un montant de 3,5 milliards de dollars. Ces entreprises et leurs multiples filiales doivent honorer au cours des trois prochaines années des engagements de 50 milliards de dollars, représentant les trois quarts du produit intérieur brut (PIB) du pays. Ses autorités prévoient d'injecter 20 milliards de dollars de bons du Trésor, mais trop tard, le mal est profond dans ce petit pays du Golfe, pilier de la fédération des Emirats arabes unis. Son expansion effrénée avait été financée par un endettement colossal auprès d'investisseurs de la région et du monde et de banques internationales attirées par le gain facile. C'est la débâcle en cascade, l'argent se retire et les primes de ses dettes subissent l'envolée. La principauté est seule dans la région à ne pas avoir de rente pétrolière ou gazière. Dubaï presse son voisin et principal investisseur, Abou Dhabi, l'un des plus gros producteurs de brut au monde, à lui porter secours.