Le gérant de l'entreprise, un avocat égyptien, est allé résilier le registre du commerce de la société et a récupéré les 285 000 livres (soit 420 millions de centimes) du capital social de la société qui a été ainsi déclarée fermée à l'insu de la propriétaire. Il s'appelle Douar Brahim et il est originaire de la localité de Mâatkas, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Cet étudiant en postgraduation à l'université du Caire a vécu, jusqu'au 27 novembre dernier, l'opération chasse à l'homme que mènent les Egyptiens contre les Algériens. “La tension a commencé déjà à monter quelques jours avant le match du 14 novembre au Caire, mais ce n'était toutefois que des menaces verbales qu'on n'a pas prises au sérieux tant ce genre d'ambiance marque de nombreux matches d'importance. C'était pendant et après le match que le pire nous attendait”, raconte Brahim qui, lui, a pu échapper au lynchage perpétré à l'issue du match, mais non sans assister à des scènes d'agression contre les supporters algériens. “Il est vrai qu'avant le match, en arrivant devant l'ambassade d'Algérie au Caire, des Egyptiens sont venus pour nous agresser, mais la police les en a empêchés ; ce qui n'était pas le cas à la fin du match, lorsque à notre sortie, les quelque 250 000 supporters égyptiens pour lesquels des écrans géants ont été placés dans le parc du stade attendaient, gourdins, couteaux, pierres et autres projectiles à la main, la sortie des Algériens contre lesquels un plan des plus diaboliques a été préparé”, ajoute le rescapé, qui dit avoir pu échapper au massacre parce que habitant non loin du stade du Caire et étant venu seul, un drapeau algérien sous la veste, il a pu se frayer un chemin sans attirer les soupçons des Egyptiens qui tendaient le nez pour renifler la moindre odeur algérienne. Mais tous les supporters algériens n'ont pas eu cette chance. “J'ai vu une cinquantaine de bus qui devaient transporter les supporters algériens vers El-Abassia, le centre-ville, pris d'assaut avec la complicité des chauffeurs de bus qui s'arrêtaient pour faciliter le massacre”, témoigne Brahim non sans ajouter : “À l'entrée du stade où je me souviens avoir été fouillé 22 fois, j'ai vu deux étudiantes algériennes portant le hidjab déshabillées par des policiers qui les accusaient d'avoir caché des objets sous leur hidjab.” Comment sa sœur est expulsée d'Egypte et son entreprise démantelée “Le 19 novembre à 16h, quatre policiers égyptiens frappent à la porte de la maison où j'habite avec ma frangine qui a monté une société d'import-export. Avec une rare agressivité et une haine à faire fondre une roche dans les yeux, on me dit sèchement : on a besoin de ta sœur qui a un problème avec son titre de séjour”, raconte encore Brahim, qui était loin de douter que sa sœur a été déjà mise en faillite. Une faillite montée de toutes pièces. En Egypte, tout étranger qui crée une société doit recruter un gérant égyptien, nous explique Brahim, qui dit qu'au nom de cette loi, sa frangine a recruté comme gérant un avocat égyptien qui, au lendemain du match, est allé résilier le registre du commerce de la société et récupéré les 285 000 livres (soit 420 millions de centimes) du capital social de la société qui a été ainsi déclarée fermée à l'insu de la propriétaire. Alors, bien que le titre de séjour de cette commerçante soit valable jusqu'au 28 février 2010, comme cela est mentionné sur son passeport, les agents de la sécurité d'Etat (les services secrets égyptiens) lui demandent de les suivre vers ce qu'ils appellent El-Moudjamaa (des locaux ressemblant à une prison relevant du ministère de l'Intérieur), selon les explications de Brahim, qui dit qu'une fois à l'intérieur, il sera surpris qu'une cinquantaine d'étudiants algériens, parmi eux des blessés, sont pris en otages par la police égyptienne. “Allant aux nouvelles de ma sœur, un policier m'a demandé de lui glisser 100 dollars pour éviter des problèmes à ma frangine. Mais à peine la somme remise, il me lance avec beaucoup de haine : il nous suffira d'envoyer 10 commandos égyptiens pour exterminer le peuple algérien”, ajoutera avec beaucoup d'amertume le jeune rescapé qui, se sentant en danger et inquiet pour sa frangine, a pris attache avec l'ambassade d'Algérie dont des fonctionnaires ne tardèrent pas à arriver sur les lieux. À peine les agents de l'ambassade arrivés, les fonctionnaires égyptiens leur signifient qu'il faut établir un document garantissant que “cette femme sans activité” quitte le territoire égyptien. Ce qui ne tarda pas à se faire. Et c'est ainsi que les autorités égyptiennes lui apposent le cachet “Cancelled”, soit expulsée. Qu'est devenue l'entreprise ? “Les locaux ont été vite loués à une autre entreprise et l'avocat a tout pris”, répondra Brahim qui, après avoir assisté à la ruine puis à la signature de l'expulsion de sa sœur verra, moins d'une semaine après, son projet de devenir docteur en sciences économiques voler en éclats. Tout comme d'ailleurs 80% des étudiants algériens qui ont quitté l'Egypte. “La nuit la plus angoissante de ma vie” “Dans la nuit du 25 novembre, en rentrant à la maison, je trouve glissée sous la porte une lettre dont le contenu se résume à ‘Vous quittez notre pays sinon vous allez mourir carbonisés dans cette maison.'” Pourtant, souligne Brahim, la maison est située dans un quartier dit chic à forte concentration de ressortissants étrangers. “Il n'y avait que la police qui savait qu'on habitait dans ce quartier”, dit-il. Pris d'angoisse, Brahim passe toute la nuit devant la fenêtre regardant si des gens allaient venir la nuit, pendant que sa sœur préparait les valises et le lendemain au petit matin, “on a pris le chemin de l'aéroport ; fort heureusement, un vol d'Air Algérie était prévu dans la journée”. Bien que Brahim n'ait pas fait l'objet d'expulsion, il a préféré quitter l'université et revenir définitivement en Algérie. “L'université m'est devenue insupportable : la bibliothèque a été interdite aux Algériens et les professeurs soi-disant intellectuels ne cessaient de nous provoquer et tenter de nous tourner en dérision en nous lançant, sous les rires des étudiants égyptiens, que nous sommes moins que des mouches, quand ils ne nous demandent pas tout simplement de sortir de leurs cours”, raconte Brahim, qui cachait à peine sa douleur en se souvenant qu'un soi-disant “douctour” a insulté la mémoire des valeureux martyrs de notre Révolution en les qualifiant de “un million et demi de cochons”. “En prenant un taxi, le chauffeur m'a demandé, ajoute Brahim, d'où je suis ; me faisant passer pour un Libyen, il me donne son numéro de téléphone avant de me dire : ‘Contacte-moi au cas où tu croiserais un Algérien, on s'occupera de lui'.” Le voisin de la maison où j'habitais a mis, à la place d'une serpillière devant sa porte, un drapeau algérien qu'il piétine en rentrant et en sortant, et c'était insupportable de voir ça, a-t-il ajouté non sans revenir aussi sur les mosquées où, dit-il, “depuis le 19 novembre, les imams excellaient dans les prêches contre les Algériens qu'ils qualifient, à chaque fois, de terroristes comme si cette idéologie islamiste qui a nourri le terrorisme n'était pas venue d'Egypte”.