“Dans le sujet en souffrance, il y a une idée d'attente de quelque chose qui doit arriver. Une souffrance, lorsqu'elle est entendue par l'autre, devient humaine.” Cette phrase, prononcée au Palais de la culture (Alger), par une psychologue, résume à elle seule toute la problématique entourant un phénomène qui est au centre des préoccupations théoriques de la psychologie et de la psychanalyse, ainsi que de la pratique clinique. Ce phénomène a justement été approché hier par des spécialistes participant au colloque international consacré aux personnes en souffrance, qui s'achèvera aujourd'hui. Organisée conjointement par l'Association pour l'aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (SARP), l'Association française Nour, le service des urgences psychiatriques de l'hôpital Maillot et l'Association algérienne Amine, la rencontre s'est néanmoins distinguée par son caractère pluridisciplinaire, réunissant outre les professionnels de la santé mentale des deux rives de la Méditerranée, des écrivains, des historiens et des linguistes nationaux. “Nous voulions associer au débat d'autres disciplines, car les psychologues et les psychiatres ne sont pas les seuls à s'intéresser à la question de la souffrance”, a dévoilé hier la présidente de la SARP, Rafika Hafdallah. D'autres membres de cette association ont, en revanche, abordé la particularité de la société algérienne, rappelant que “la montée des intégrismes religieux et l'envahissement du champ des sciences sociales par le cognitivo-comportementalisme” ont en commun “le déni de l'individu en tant que sujet”. Ils ont également noté l'important recours à la psychologie et la psychiatrie, notamment après les massacres collectifs des années 1990, les inondations de Bab El-Oued en novembre 2001, le séisme de Boumerdès en mai 2003 et plus récemment, fin 2008, après les inondations de Ghardaïa. Pour rappel, la SARP a développé depuis 1998, avec ses partenaires, des réseaux national et international, initiant ainsi des programmes d'intervention et d'aide aux populations en détresse, victimes de violences humaines et de catastrophes naturelles. Depuis le tremblement de terre de 2003, elle s'est engagée dans un partenariat avec l'Association Nour et le service des urgences psychiatriques de BEO qui a permis aux différentes parties de développer les échanges d'expériences et de pratiques, et d'initier des programmes de formation et de supervision. Sept ans après, les trois partenaires organisent un colloque destiné à replacer “le sujet en souffrance au centre de (leur) réflexion et de (leur) expérience commune”. “Nous souhaitons que le travail commencé en 2003 puisse se développer de façon régulière”, a indiqué le président de l'Association Nour, Rachid Guenoun. Selon lui, il est nécessaire de “travailler les propres souffrances” des professionnels de la santé mentale pour permettre à ces derniers d'être “plus présents dans la souffrance de leurs patients”, c'est-à-dire plus percutants dans leur aide envers les handicapés, les traumatisés et les victimes de violence diverses. “Quand le mal est entouré de silence, il immobilise le patient et freine son dynamisme. Il l'empêche surtout d'exprimer son droit de parler, son droit de dire. Or, si les professionnels ne sont pas aidés, ils aideront moins leurs patients”, a souligné M. Guenoun.