Dans son point de presse, l'avocate met le doigt sur un problème où drames familiaux et enjeux diplomatiques sont imbriqués. Des parties algériennes jusqu'au plus haut sommet de l'Etat sont accusés de complicité, par l'avocate Fatma-Zohra Benbraham, qui reproche au département de Tayeb Belaïz sa complaisance. C'est à la maison de la presse Tahar-Djaout que l'avocate des familles de victimes d'enlèvements d'enfants à travers le territoire national a animé un point de presse pour mettre à jour un dossier des plus importants et compliqués et dont les tenants et aboutissants sont bouleversants. Plusieurs victimes, des parents, ont accompagné l'avocate pour crier leur détresse et interpeller le premier magistrat du pays. Maître Benbraham, qui lutte depuis des années aux côtés de ces familles, a fait des révélations sidérantes en pointant un doigt accusateur contre des ambassadeurs, des ministres, des juges et des procureurs. Même les services de sécurité ont été mis à l'index pour leur implication dans des enlèvements en dépit des lois de la République. “C'est à la fois un sujet sensible et dangereux. C'est un grand malheur qui s'abat sur notre pays, dont l'origine sont des mariages mixtes”, s'indignera-t-elle d'emblée. Et pour mieux illustrer ce triste état de fait, Me Benbraham a cité des familles ayant fait part de leurs témoignages émouvants. Menaces, magouilles, intimidations, abus de pouvoir sont le lot quotidien de ces familles qui ont vu toute leur vie bouleversée. Certaines sont même contraintes à la fuite. “Enlèvements politiques” C'est la qualification utilisée par Me Benbraham pour démontrer l'implication des ambassadeurs dans des affaires d'ordre juridique. “Aujourd'hui, il existe différentes catégories d'enlèvements. Il s'agit d'enlèvements pour exploitation physique (sexuelle) et économique, il y a aussi pour adoption directe par le biais d'un réseau. Il y a une catégorie spécialisée dans le commerce des personnes comme cobayes où il existe un autre réseau de trafic d'organes. Enfin, il y a la catégorie d'enlèvements politiques, avec le concours des ambassades. Des enlèvements d'enfants, des déportations en vue de repeupler les pays vieillissants d'Europe, c'est cela la stratégie des pays européens”, dira Me Benbraham. Cette dernière fera savoir à l'assistance qu'elle travaille en étroite collaboration avec son confrère français Me Collard pour faire la lumière sur plusieurs affaires d'enlèvement. Me Benbraham est revenue sur l'affaire de Safia Scharbook, qui a fait couler beaucoup d'encre en apportant des éléments d'information sur la complaisance des autorités algériennes. “Dans cette affaire, les autorités françaises n'ont pas hésité à exercer des pressions politiques sur les autorités algériennes afin de les amener à rendre la fillette à son ‘père', Jacques Scharbook, sachant qu'une expertise basée sur l'analyse génétique de quatorze “points positifs” a démontré que le père de l'enfant est un certain Yousfi Mohamed.” Jacques Scharbook a-t-il tué la maman de Safia ? Selon Me Benbraham, qui avait entre les mains une lettre ouverte écrite par la défunte mère de Safia parue sur les colonnes d'un quotidien algérien, Jacques Scharbook aurait menacé sa femme de mort. Cette femme, qui avait demandé le divorce, n'a pas pu l'avoir. Dans cette lettre que certains ont voulu détruire, la maman de Safia écrit que son mari la menaçait de mort. “La maman de Safia est morte en allant chercher son livret de famille, elle a été poursuivie par Jacques Scharbook. Affolée et paniquée en ayant un œil sur son rétroviseur, la malheureuse femme a heurté un camion de plein fouet pour rendre l'âme”, révèle-t-elle. “Monsieur le ministre, ne trompez pas le peuple, vous ne savez rien” Cela s'est passé lors d'une audience au tribunal d'Oran : le consul général de France n'a pas hésité à s'y rendre en personne sous bonne escorte avant de s'introduire dans la salle d'audiences. “C'est une affaire compliquée puisque même le consul général de France, François Hud, s'est rendu lui-même à l'audience avec une escorte armée jusqu'à l'intérieur de la salle d'audiences, chose illégale et qui a choqué tout le monde, avocats et citoyens présents ce jour-là”, raconte Me Benbaraham. “Même le procureur d'Oran avait reconnu qu'il avait subi des pressions. Il me l'a avoué en ajoutant que l'ambassadeur de France appelait chaque jour. Aujourd'hui, Safia est chrétienne et vit en France. Au même moment, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, annonce qu'il n'est pas au courant et que l'affaire est close”, déplore encore l'avocate. “Monsieur le ministre ne trompez pas le peuple, vous ne savez rien, la procédure se poursuit toujours”, interpelle-t-elle. La grand-mère de Safia, présente hier parmi les témoins, est intervenue pour dire que “sa famille est victime de la hogra des étrangers dans son pays”. Pour Me Benbraham, “l'affaire de Safia, qui implique un ambassadeur, un consul et la complaisance de la justice algérienne, en est une parmi tant d'autres, car il y a plusieurs victimes ; des parents dont on a enlevé des enfants et d'autres sous la menace”, ont relaté hier leur drame. Hamadi, Didouche, Bouras, Gouasmia, Douieb vivent aujourd'hui en pleine détresse. L'ambassadeur incriminé par M. Hamadi en litige avec sa femme danoise qui veut récupérer sa fille alors que la justice a tranché en faveur du père, est celui du Danemark. Ce dernier a usé d'intimidations, en lançant une phrase que le concerné dira ne pouvoir oublier. “Tu signeras le papier sinon j'appellerai Ali Tounsi (DGSN)”, a lancé l'ambassadeur à l'adresse de M. Hamadi. Aujourd'hui, la fille se trouve en Algérie à la basilique St-Augustin de Annaba. Enfin, Me Benbraham, et pour le bien de ces familles, propose la signature d'une convention internationale pour le respect des droits des parents. Des droits aujourd'hui bafoués par la force et la diplomatie. “Heureusement que ce ne sont pas toutes les ambassades présentes à Alger qui sont concernées”, se félicite-t-elle.