Les graves difficultés financières que traverse Dubaï ont inévitablement mis en lumière la fragilité des engagements des groupes industriels arabes en Algérie. Dubaï a une nouvelle fois fait parler de lui. Cette fois, ce n'est pas pour mettre la lumière sur ses projets démesurés, qui ont fait de cet émirat l'une des destinations touristiques les plus prisées, mais pour évoquer les zones d'ombre sur sa capacité à enrayer la crise, que ses entreprises publiques, notamment Dubaï World, ont provoquée et qui a failli ébranler les places financières mondiales, si ce n'est l'intervention de son voisin et frère le riche Abou Dhabi, émirat pétrolier qui lui a prêté 10 milliards de dollars pour remplir une série d'obligations du conglomérat public en difficulté, Dubaï World et notamment régler la dette de son géant immobilier Nakheel. Ce dernier avait annoncé, le mois dernier, qu'il allait restructurer certaines des 10 compagnies composant le groupe et renégocier avec les créanciers leur dette d'une valeur de 26 milliards de dollars. Pour rappel, le 25 novembre dernier, les autorités de Dubaï avaient annoncé qu'elles allaient demander un moratoire d'au moins six mois sur la dette de Dubaï World, semant la panique sur les marchés financiers dans le monde, soucieux de la solvabilité du conglomérat qui compte une dette de 59 milliards de dollars au total. Bien que n'étant ni la capitale des Emirats arabes unis, ni l'émirat le plus grand ou le plus peuplé, Dubaï est le plus connu des sept émirats qui composent la fédération. Cette renommée est due à la médiatisation des projets touristiques comme l'hôtel Burdj Al-Arab, le plus luxueux et le plus “étoilé” du monde, au gigantisme des projets immobiliers comme le Palm Islands, presqu'île artificielle en forme de palmier, The World, archipel artificiel qui reproduit la carte du monde, Dubaï Marina à l'architecture particulière et démesurée, sans oublier l'immeuble le plus haut du monde, le Burdj Dubaï (120 étages et près d'un kilomètre de longueur). Ces projets, revendiqués par le gouvernement, sont présentés comme étant un moyen de devenir d'ici quelques années la première destination mondiale du tourisme de luxe et l'un des pôles mondiaux du tourisme familial, d'affaires, commercial. Dépourvu d'importantes réserves de pétrole, contrairement à la plupart de ses voisins, Dubaï a fait très tôt le choix de miser sur les services. Dans les années 1980, il y a créé des zones franches et lancé des projets d'infrastructures pharaoniques. Pour accélérer cette métamorphose, l'émir de Dubaï avait identifié six secteurs prioritaires : le tourisme, la construction, la finance, les services professionnels, le transport et le commerce. Jusqu'en 2008, la croissance flirte avec les 10% annuels. Mais après des années d'essor incomparable, le nouvel eldorado arabe est rattrapé par la crise mondiale. Depuis début 2009, les licenciements massifs s'enchaînent, les projets annulés ou retardés se multiplient et plus de 300 milliards de dollars d'investissement prévus ont été reportés à des jours meilleurs. Qu'en est-il de l'Algérie ? Le 1er décembre dernier, en marge de la séance d'adoption de la loi de finances par l'Assemblée populaire nationale, le ministre des Finances avait indiqué que les investissements de DP World Algérie, filiale du groupe émirati DP World, ne seront pas affectés par cette crise. Le même jour, le directeur général de DP World Algérie, M. Mohamed El-Khoudh, abonde dans le même sens. Se voulant rassurant, M. Mohamed El-Khoudh dira que la crise financière du conglomérat public émirati Dubaï World n'a aucun impact sur les investissements de sa filiale portuaire DP World Algérie qui reste fermement engagée en Algérie. “Il n'y a aucun impact sur nos activités en Algérie. Nous maintenons nos investissements et nos engagements conformément à toutes les clauses prévues par l'accord de concession de gestion signé il y a plus d'une année avec la partie algérienne”, avait-il souligné. Pour rappel en novembre 2008, DP World avait signé deux accords avec les entreprises des ports d'Alger et de Djen Djen (Jijel), en vertu desquels une concession de la gestion des deux ports d'une durée de 30 ans lui a été accordée. Le partenariat vise, notamment la modernisation du terminal principal des conteneurs du port d'Alger et l'augmentation de sa capacité qui passera de 500 conteneurs/an actuellement à 800 conteneurs, et s'est engagé également à élargir le port de Djen Djen pour lui permettre de recevoir les grands navires et en faire la plus grande station de conteneurs de l'est du pays. L'expert en finances El-Hachemi Siagh soutient, lui aussi, que les difficultés financières actuelles du conglomérat émirati Dubaï World ne vont pas affecter les activités de sa filiale portuaire DP World en Algérie. “Ce sont surtout les activités immobilières de Dubaï World qui sont touchées. DP World est l'une des filiales de Dubaï World, mais elle ne semble pas touchée par la restructuration”, a-t-il expliqué. Plus explicite, le directeur général de DP World Algérie a indiqué que le conglomérat Dubaï World va opérer une restructuration de certaines de ses compagnies qui ne concernera que Nakheel World et Limitless World (promotion immobilière). D'autres filiales comme DP World, troisième opérateur portuaire mondial, et Istithmar World and Ports, qui contrôle les investissements du groupe à l'étranger, ne sont pas concernées par ces restructurations car elles sont dans une situation financière stable. DP World, troisième opérateur portuaire mondial, gère 50 terminaux pour conteneurs dans 32 pays. Il avait annoncé en janvier qu'il revoyait ses projets d'expansion en raison du ralentissement dans l'industrie des terminaux provoqué par la crise financière mondiale. En mars, il avait affiché un bénéfice net de 621 millions de dollars pour 2008, en hausse de 48% par rapport à 2007, souligne-t-on. DP World a les reins suffisamment solides pour traverser les turbulences qui ballottent sa maison mère. Si les nouvelles, provenant de DP World Algérie, sont rassurantes, ce n'est pas le cas pour les autres investissements émiratis. La crise financière a réduit l'engagement des Emirats Arabes Unis en Algérie On se souvient, jusqu'au milieu de 2008, le secteur de l'immobilier constituait l'attrait principal pour les investissements des sociétés émiraties. Plusieurs sociétés immobilières, dont Emaar, Al-Qudra et Emirates International Investment Company (EIIC), avaient annoncé des projets de plusieurs milliards de dollars. Ces annonces ont été suivies par de nouveaux investissements dans le secteur industriel, comme celui d'Emirates Aluminium International, une société basée à Dubaï qui a annoncé la construction d'une aluminerie d'une valeur de 5,1 milliards d'euros à Béni-Saf, et celui d'EIIC dans le câblage électrique, l'agriculture et la banque. Mais l'avènement de la crise financière a réduit l'engagement des Emirats arabes unis en Algérie, dans la mesure où les investisseurs émiratis ont vu les conditions de financement se resserrer dans leur propre pays, obligeant plusieurs fonds d'investissement à réduire leurs activités, voire à se retirer totalement de certains projets. Ainsi, l'entrepreneur Emaar Properties basé à Dubaï a annulé quatre très grands projets. La rénovation de la baie d'Alger promise par Emaar Properties attendra. On évoque aussi le probable retrait de Emirates International Investment Company du moins du projet Parc Dounya. Pourtant, Camille Nassar, président exécutif de EIIC Algérie, avait indiqué au cabinet d'intelligence londonien Oxford Business Group que les investisseurs émiratis considéraient de façon positive l'avenir de l'économie algérienne. Mais EIIC Algérie a d'autres projets en Algérie, comme une ferme de vaches laitières implantée sur une superficie de 6 000 ha, dans la wilaya de Tiaret, la construction d'une usine de câbles (Cablet El-Djazaïr). Ces projets seront-ils aussi revus à la baisse ou carrément remis en cause ?