Crise en Arabie Saoudite où les conséquences de la guerre à ses frontières, dans le nord du Yémen, n'ont pas livré tous leurs secrets. Toujours est-il que la gravité de la situation est attestée par la publication de la plupart des pays arabes, y compris l'Autorité palestinienne de Ramallah, de communiqués de solidarité avec le gouvernement saoudien (et pas avec le Yémen) dans sa guerre contre “l'agresseur” huthi, des tribus chiites qui habitent dans le nord Yémen. La crise à laquelle est confrontée l'Arabie Saoudite est beaucoup plus profonde que ce que ses alliés arabes imaginent, dont les ministres des Affaires étrangères du Conseil de coopération du Golfe qui sont à Doha pour discuter de la crise et de ses implications. Pour certains analystes, la guerre qui se poursuit entre les Huthis et les forces yéménites entraîne Riyad dans une problématique beaucoup plus sérieuse que ne l'a fait son rôle dans l'invasion du Koweït en 1990 ou encore la guerre qui avait éclaté dans la région après la révolution d'Abdullah Sallal en 1962, qui avait renversé le gouvernement Imami à Sanaâ, levant les barrages de ses frontières pour l'entrée des forces égyptiennes dans le territoire saoudien. À l'époque, le Caire était le chef de fil du panarabisme contre les monarchies du Golfe. En effet, la guerre d'aujourd'hui bien qu'elle ait revêtu l'aspect d'une guerre tribale, est un conflit politique qui a le potentiel de se transformer rapidement en conflit régional, comme l'a illustré le communiqué de Manouchehr Mottaki, le ministre des Affaires étrangères d'Iran, dans lequel il dit : “Nous recommandons fortement aux pays voisins de ne pas faire d'ingérence dans les affaires intérieures du Yémen.” Un avertissement sérieux pour le gouvernement d'Arabie Saoudite qui se sent à tort ou à raison sérieusement menacé par les changements en cours dans la région et qui peuvent changer la forme et la carte politique de la région et menacer, par conséquent, la stabilité du royaume d'Arabie Saoudite, fondé il y a quatre-vingts années. Ces analystes rappellent ainsi que les autorités saoudiennes ont toujours adopté une stratégie régionale ayant pour objectif de maintenir l'équilibre des forces en s'impliquant dans des conflits en dehors de ses propres frontières. Elles ont, par exemple, soutenu Saddam Hussein contre la révolution de Khomeini durant la guerre entre l'Iran et l'Irak, pour ensuite faciliter pour les Etats-Unis la libération du Koweït d'une occupation par le même Saddam Hussein, s'étant inquiétée de la puissance régionale montante de l'Irak. À présent, l'Arabie Saoudite dit faire face à une menace chiite avec le passage de l'Irak aux mains de chiites et, sans l'avouer, le royaume est également confronté à sa propre minorité chiite, un million environ, natifs du Yémen et dont beaucoup d'entre eux appuient les Huthis. La frontière saoudo-yéménite court sur 1 500 kilomètres et la côte de la Mer Rouge du Yémen allant d'Aden à Saâda, le cœur des Huthis, sont mal contrôlées par les forces de sécurité yéménites, ce qui facilite la contrebande d'armes et le transit de personnes. Les Saoudiens accusent l'Erythrée de se transformer en base pour la fourniture d'armes de contrebande destinées aux Huthis. Le problème pour Riyad est que l'équilibre régional dans sa région a nettement changé depuis 2003. Et les Etats-Unis sont totalement engagés dans leurs guerres sanglantes et perdues d'avance en Afghanistan et en Irak. Le Conseil de coopération du Golfe n'est plus en rang serré derrière l'Arabie Saoudite pour soutenir sa guerre, et la région du Golfe dans sa totalité est remplie de disputes et de conflits.