Les cartes se brouillent au Yémen où les accusations d'ingérences pleuvent au fur et à mesure que la menace de l'éclatement du pays en trois morceaux avance. Pouvoir et opposition ne font plus dans le discours diplomatique. Sanaâ, qui assiste impuissante à la transformation du Yémen en un champ de batailles, accuse ouvertement certains dignitaires d'Iran, le Hezbollah libanais et les partisans de Muqtada al-Sadr en Irak d'entretenir la rébellion chiite pour saper sa sécurité et d'exacerber les conflits entre chiites et sunnites comme ils le font déjà fait en Arabie Saoudite, à Bahreïn et au Koweït. Selon Ali Abdallah Saleh, le président yéménite, ils sont complices des « Houtis » qui livrent à l'armée régulière du pays, un combat sans merci depuis le 11 août dernier. « La rébellion zaïdite, sont des hors-la-loi et des terroristes à la solde de puissances étrangères », déclarait récemment le président yéménite à la chaîne de télévision saoudienne MBC. Quelles puissances ? « Leur financement provient de certains dignitaires en Iran », dit-il, exhibant des documents saisis et évoquant des informations obtenues auprès de rebelles arrêtés. Comme pour appuyer ses dires, Ali Abdallah Saleh estime que les combattants zaïdites ont reçu une formation similaire à celle des combattants du Hezbollah. «Ils ont été entraînés sur le modèle des actions menées par le Hezbollah dans le sud du Liban», dit-il, ajoutant que des informations non confirmées font état de « la présence d'instructeurs du sud du Liban à Saâda », le fief des rebelles zaïdites qui chercheraient à créer, sur la frontière saoudo-yéménite, «une zone tampon chiite» dans le but de «nuire au Yémen et à l'Arabie Saoudite» et de prendre pied près de la mer Rouge. Les rebelles qui précisent parler au nom de 30% de la population du pays, pointent un doigt sur l'Arabie Saoudite. Selon eux, les militaires saoudiens appuient de plus en plus les forces yéménites. Notamment à la ville frontalière de Hasama, dans le nord du pays. LE SUD, L'AUTRE PLAIE Sanaâ fait face aussi à un courant sécessionniste dans le sud du pays, une région riche en pétrole. Ali Salem al-Baid, l'ancien vice-président yéménite, demande aux Nations unies de « former une commission d'enquête sur la situation explosive dans le Sud » et d'organiser un référendum sur l'autodétermination du sud du Yémen « occupé » selon lui par une armée nordiste qui «se comporte comme les forces d'occupation israéliennes» en Cisjordanie. Selon l'ancien dirigeant du Parti socialiste yéménite, « la situation pourrait à tout moment dégénérer en une guerre civile qui pourrait être exploitée par des parties extérieures» si les pays arabes voisins du Yémen n'interviennent pas pour « régler la question par le dialogue ». Comment et dans quel sens ? «Le peuple du Sud-Yémen marche clairement vers un Etat indépendant avec Aden pour capitale. Nous sommes dans le dernier quart d'heure », explique le «sudiste» menaçant de reprendre les armes car « le mouvement pacifique ne peut pas se poursuivre indéfiniment ». Sanaâ est convaincue qu'il y a une alliance tactique entre les deux rébellions. « Je ne pense pas qu'ils sont animés par les mêmes principes, mais ils ont un seul adversaire : le régime politique de la république yéménite », explique le président yéménite redoutant à l'instar de tous les experts, une utilisation par al Qaîda du Yémen comme nouvelle base pour ses nouvelles opérations contre le pouvoir saoudien. «Nous assistons à une renaissance d'al Qaîda dans la péninsule arabique avec le Yémen comme principal terrain de combat et base régionale potentielle à partir de laquelle elle peut planifier des attaques, entraîner des recrues et faciliter les déplacements de combattants », soulignait fin septembre devant le sénat américain Michael Leiter, directeur de l'organisme américain, National Counterterrorism Center. Israël aussi pourrait tirer profit de la situation actuelle à Sanaâ en marginalisant le conflit israélo-arabe. L'Etat hébreu avec l'appui des Occidentaux tentent depuis quelques années d'embarquer les pays arabes du Moyen-Orient dans une alliance contre l'Iran. La guerre qui est livrée à Sanaâ semble posséder tous les ingrédients de sa régionalisation.