Les Algériens regardent d'un œil distrait le parcours des équipes nationales de handball en Coupe d'Afrique des nations. Promises à une participation honorable, pour les hommes, et à une simple figuration, pour les filles, les deux équipes n'étaient pas tenues à des résultats. Le handball n'est pas le football, mais, tout de même, les handballeurs sont aussi des “Verts”, n'est-ce pas ? Pourquoi le soutien aux “couleurs nationales” serait-il obligatoire quand elles sont portées par des footballeurs et accessoire quand elles habillent des handballeurs ? Et voilà, un peu comme pour déjouer les pronostics qui justifient l'indifférence, nos représentants de la petite balle se mirent à perdre d'abord, puis à gagner. Et à gagner encore. Même les filles, sur qui on n'aurait pas misé le moindre kopeck, entreprirent le même itinéraire, jusqu'en demi-finale, pour l'instant. Tout était pourtant prêt pour justifier l'échec annoncé. Et si la défaite sportive ne suffisait pas, l'argument extra-sportif était tout trouvé : la Fédération nationale de handball n'avait pas fait transporter sa délégation par la compagnie aérienne aux couleurs nationales. Pis encore, elle a rallié Le Caire à bord d'un avion d'Egypt Air ! C'est à travers cette information, capitale pour les patriotes que le football a formés, que la masse des Algériens ont appris qu'une autre CAN, version handball celle-ci, débutait au Caire. Le désintérêt général ne suffisait pas ; il fallait susciter le ressentiment à l'encontre des dirigeants du handball ! Pas de défilé donc, pas d'éclats de voix qui fusent à travers les fenêtres, pas de débats sonores aux coins des rues, pas d'experts qui s'étalent en analyses… Les couleurs, pour être les mêmes, sont finalement bien plus excitantes quand elles sont défendues par des footballeurs ! Mais, alors, est-ce vraiment les couleurs qui font courir les foules ? Certes, en termes de popularité, aucune discipline sportive ne peut se mesurer au football. Il faut cependant observer que l'argent, d'abord, alléché par le potentiel d'affaires, que cet engouement originel laisse entrevoir, a vite fait d'envahir le terrain. Les plus pauvres étant les plus nombreux, c'est chez la grande masse que les dirigeants, les sponsors, les télévisions et les habilleurs vont chercher l'argent. À son tour, la politique est venue exploiter le potentiel mobilisateur ou anesthésiant, c'est selon, du football. Et devant ce succès, le sport populaire fut proclamé sport roi. Avec autant de sujets, les riches et les puissants, les possédants et les souverains lui prêtent allégeance. Et, on l'a bien vu, quand c'est nécessaire, ou utile, le sponsoring politique supplante le sponsoring économique. Tous avec les “Verts”. Mais n'est pas “Vert” qui veut. Le handball ? Combien de divisions ? Si c'est du football, oui : affairistes et politiciens sont avec les couleurs ! Et les tifosi, forcément avec les couleurs, sont, par transitivité, avec eux. M. H. [email protected]