L'habitat précaire représente en Algérie moins de 10% du parc national. Un chiffre loin d'être inquiétant par rapport à beaucoup de pays. C'est, du moins, ce qu'a déclaré le directeur de l'architecture et de l'urbanisme au ministère de l'Habitat, Makhlouf Naït Saâda, lors d'une table ronde organisée, hier, au centre de presse El Moudjahid, autour du thème “le programme national d'éradication de l'habitat précaire”, à laquelle ont également pris part deux spécialistes représentant le Collège national des experts architectes, à savoir MM. Boudaoud et Khaldoun. S'il est vrai, dira M. Naït Saâda au début de son intervention, que “la problématique de l'habitat précaire se pose de manière différente, selon qu'on soit en Afrique, en Europe, en Asie ou en Amérique, il faut savoir que chez nous, la question s'explique par beaucoup de facteurs générés par la situation sociopolitique et les conjonctures que l'Algérie a connues”. On distingue, selon lui, trois types de précarité : l'habitat fait de matériaux hétéroclytes (tôle, parpaing, plastique et autres), l'habitat fait de briques et de parpaing et, enfin, les anciennes constructions à base de terre battue caractérisées par les ksour (Adrar, Béchar, Tindouf, Ghardaïa). Pour la première catégorie, le nombre d'habitations est de 92 000 et se situe autour des agglomérations, la seconde compte 280 000 habitations et la troisième catégorie compte 180 000 constructions. Soit un total de 554 000 habitations tous types confondus. 60% de l'habitat précaire sont localisés en zone urbaine alors que 40% sont en zone rurale. Comparativement à d'autres pays, l'Algérie compte un faible taux d'habitat précaire avec moins de 10% du parc national de l'habitat. En chiffres, ce type d'habitat est de 39% en Egypte, de 32% au Maroc et en Libye et de 94% en Mauritanie. Dans les pays développés, il est de 5% en Grande-Bretagne, 5,6% en Suède et en Pologne, 5,5% en France et au Canada et 5,8% aux Etats-Unis avec la différence que l'habitat précaire dans ces pays n'est pas du même type que chez nous. On parle alors beaucoup plus d'insalubrité. Pour ce qui est des causes qui ont essentiellement présidé, elles sont imputables à la décennie 90 où, pour des raisons sécuritaires, beaucoup de familles ont fui les zones rurales pour s'installer à proximité des grandes agglomérations. Mais cette cause n'est pas la seule car, selon le conférencier, l'exode rural remonte à l'époque d'après la Seconde Guerre mondiale où les gens, poussés par la famine et la précarité sociale, ont fui la campagne pour la ville, à la recherche de meilleures conditions de vie. Cette époque a été suivie par la guerre de Libération avec également son lot de misère. Bien sûr, ajoutera le conférencier, après l'Indépendance, bon nombre de familles ont préféré s'installer près des agglomérations urbaines. Et si le chiffre de 554 000 baraques à travers le territoire national semble quand même important, l'Etat, pour sa part, ayant déclaré la guerre à l'habitat précaire, a réussi ces dernières années a éliminer plus de 70 000 baraques. Le programme en cours de réalisation de plus de 300 000 logements destiné à cet effet suffira-t-il ? La question pour le conférencier est de réussir à “éradiquer” à la racine, c'est-à-dire en empêchant que d'autres “locataires” viennent occuper les lieux au départ des relogés. Voilà que le problème se pose à la manière du tonneau des Danaïdes. M. Boudaoud, citant le cas du bidonville de Gué-de-Constantine, atteignant 14 000 baraques, pense que les APC ne font pas le travail attendu d'elles. “Les municipalités ont-elles fait des propositions ?” dit-il. Pour sa part, M. Khaldoun abonde sur la question et soulève le sujet du Pdau. “Toutes les communes du pays ont fait l'objet de révision du Pdau. Malheureusement, la réglementation n'a pas été respectée. L'aménagement du territoire, on en parle depuis des décennies mais sur le terrain, peu de choses ont été concrétisées”, explique-t-il. Et d'ajouter qu'il y a nécessité de rigueur. “L'habitat précaire est devenu un marché juteux pour certains. Il faut sanctionner”, dira-t-il. Pour l'intervenant, les solutions existent, à savoir lancer des petits programmes à confier aux 10 0000 petites entreprises, diversifier l'offre, établir un programme de recherche sur l'utilisation des matériaux locaux (brique de terre stabilisée ou BTS, gypse, etc.). “Au Cnerib, des recherches ont été faites et qui ne demandent qu'à être appliquées”, conclut-il. Revenant sur un sujet brûlant, en l'occurrence La Casbah d'Alger, M. Naït Saâda estime que “la vieille cité est un cas d'école qu'il faut traiter spécifiquement”. Il est vrai que le relogement des habitants de La Casbah continue à poser problème aux autorités en raison de la complexité de son traitement.