Le directeur général de la sûreté nationale, Ali Tounsi, est assassiné dans son propre bureau. Les hauts cadres de la police, présents hier à la cérémonie de recueillement, avouent être consternés par un tel scénario. Ali Tounsi, lui-même, ne pouvait imaginer une telle possibilité. Lui, qui a actionné de son plein gré le bouton d'ouverture de la porte blindée de son cabinet — celle-ci ne s'ouvrant que de l'intérieur — pour recevoir celui qui va, quelques minutes plus tard, lui ôter la vie. Selon la version officielle rapportée dans le communiqué du ministère de l'intérieur et des collectivités locales, “le décès de M. Ali Tounsi est survenu à 10h45, lors d'une séance de travail au cours de laquelle un cadre de la police, apparemment pris d'une crise de démence, a utilisé son arme et blessé mortellement le colonel Ali Tounsi, après quoi il a retourné l'arme contre lui se blessant gravement”. Le ministère de l'intérieur ne donne pas le motif de cet acte et préfère laisser l'enquête le déterminer ultérieurement. En parlant de “crise de démence”, le ministère de l'intérieur semble écarter d'emblée la thèse de l'acte prémédité. En attendant, plusieurs versions s'affrontent. Il y a d'abord celle du plus haut niveau de la hiérarchie de la police, selon laquelle, une réunion était prévue, ce jour-là sur le programme 2010-2014 de la division héliportée, dont l'assassin du DGSN, Oultache Choaïb y était le chef. La mission de cette division était d'assurer la surveillance et la régulation du trafic routier, la recherche et la poursuite de personnes et véhicules suspects et également la couverture aérienne des manifestations et des évènements grâce aux hélicoptères équipés de caméras. Alors que les différents cadres centraux se dirigeaient vers la salle de réunions, ce dernier s'est isolé un moment avec le défunt Ali Tounsi dans son bureau. Personne ne connaît la teneur de l'entretien qu'ils ont eu, mais on suppose que le coup de colère d'Oultache Choaïb était motivé par des informations faisant état de son implication dans des transactions douteuses lors de passation de contrats avec des fournisseurs de pièces de rechange et de matériel informatique. L'inspection générale de la police a, selon notre source, enquêté, effectivement, récemment sur la division héliportée. Mais à ce niveau, on ne confirme pas la prise de mesures administratives à l'encontre de son chef, qui devait, ce jour-là, présenter le plan de modernisation de son département. Choaïb Oultache aurait pris en otage, un moment, le DGSN avant de lui tirer dessus. Selon des sources, le mis en cause aurait tenté de sortir, arme à la main, avant de se retrancher à nouveau dans le cabinet de Ali Tounsi et tenter de se donner la mort. “Nous l'avons trouvé assis sur une chaise, le ventre en sang.” D'autres affirment que c'est la garde rapprochée du DGSN qui, en entendant des coups de feu, a opéré un forcing par la fenêtre, ce qui explique l'échange de tirs rapporté par des témoins présents sur les lieux. Le DGSN était déjà mort, quand il est arrivé à la clinique de la sûreté nationale Les glycines. La vérité exacte sur les circonstances de ce drame, personne ne la connaît. Les cadres de la police s'étonnent, toutefois, d'apprendre qu'un cadre central de la police s'apprêtait à aller en réunion en possession d'une arme. “Ce n'est pas un fait habituel. Durant les séances de travail, les cadres centraux ne portent généralement pas sur eux une arme.” Depuis les attentats kamikazes à Alger, même le simple visiteur doit laisser son portable à la réception. Simple négligence ou abus de confiance ? Cadre de l'armée en retraite, C. Oultache a été ramené et incorporé par Ali Tounsi dans la police. “C'était son ami”, affirme l'entourage du DGSN. “Mais Ali Tounsi n'était pas un naïf, comment a-t-il pu se laisser se surprendre ainsi ?” s'interroge-t-on. Cinq balles ont mis fin à un parcours de quinze ans de Ali Tounsi, à la tête de la sûreté nationale, consacré à la modernisation de ses différentes unités, à la formation des cadres, à la lutte antiterroriste et à un combat acharné contre la corruption et les malversations dans les rangs de la police. Interrogé par France 24 sur la longévité de Ali Tounsi à ce poste, l'ancien patron de la DST, Yves Bonnet, réplique qu'“il a largement dépassé l'âge de la retraite et donc s'il a été maintenu, c'est qu'il était important, sinon utile”, dans l'échiquier sécuritaire.