En dépit des regrets tardifs et sans conséquences sur le fond d'Israël, l'annonce provocatrice faite par le ministre de l'Intérieur, issu de l'extrême droite religieuse expansionniste, ne peut relever de la simple maladresse, comme l'a sous-entendu Benjamin Netanyahu. En visite officielle en Israël et en Cisjordanie, en compagnie de son épouse, pour tenter de relancer un processus de paix en panne entre Israéliens et Palestiniens, le vice-président américain Joe Biden a été accueilli par un véritable camouflet, quasiment dès sa descente d'avion à Tel-Aviv. Le ministre israélien de l'Intérieur a, en effet, choisi le moment de la visite du numéro deux de la Maison-Blanche pour annoncer publiquement un projet de construction de 1 600 logements dans Jérusalem-Est, dont l'annexion en 1967 par l'Etat hébreu n'est pas reconnue par la communauté internationale, et que les Palestiniens souhaitent ériger en capitale de leur futur Etat. L'annonce a non seulement révolté les Palestiniens et exaspéré toutes les parties qui souhaitent voir aboutir le processus de paix, mais elle a aussi provoqué une réelle crise entre Tel-Aviv et l'administration Obama. Ainsi, M. Biden, voyant que sa mission était sérieusement compromise par l'initiative intempestive et provocatrice de Tel-Aviv, n'a pas hésité à accuser le gouvernement israélien “de saper la confiance nécessaire à des négociations fructueuses”. Devant la réaction outrée de Washington au projet immobilier de Jérusalem et pour tenter de désamorcer une crise aux conséquences graves avec l'allié américain, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a présenté ses “regrets” à son invité. Drôles de regrets en vérité puisqu'ils ne concernent que le moment choisi pour faire l'annonce du projet, qui a coïncidé avec la visite du responsable américain, et non le fond du problème, comme l'ont si bien relevé les Palestiniens. Le communiqué israélien “est inacceptable parce qu'il parle d'une erreur de calendrier et non d'une erreur sur le fond, qui est la poursuite de la colonisation”, a déclaré le négociateur palestinien Saëb Erakat. Pour sa part, Joe Biden a déclaré avoir pris note des regrets israéliens, sans plus de précisions, avant de se rendre en Jordanie où l'attendait le roi Abdallah. En dépit des regrets tardifs et sans conséquences sur le fond d'Israël, l'annonce provocatrice faite par le ministre de l'Intérieur, issu de l'extrême droite religieuse expansionniste, ne peut relever de la simple maladresse, comme l'a sous-entendu Benjamin Netanyahu. L'objectif était bien de tuer dans l'œuf le projet de négociations indirectes que M. Biden est venu promouvoir et que l'Autorité palestinienne était prête à accepter sous la pression, notamment de la Ligue arabe. Le coup est imparable ! Les Palestiniens refusent toute négociation tant que la colonisation continue et ils attendent la visite de George Mitchell, prévue la semaine prochaine, pour voir si les Etats-Unis peuvent faire fléchir le gouvernement israélien sur cette question centrale de la colonisation. L'attitude de l'Autorité palestinienne est d'autant plus justifiée que de l'avis même d'une association israélienne, les 1 600 logements, dont la construction est annoncée à Jérusalem-Est, ne constituent qu'une première tranche d'un projet plus vaste comportant 50 000 unités d'habitation au profit d'Israéliens. Mais il faut dire que les chances de voir le gouvernement Netanyahu renoncer à sa politique de colonisation, qui cherche à créer des situations irréversibles le moment venu, sont bien minces. Dans la foulée de ses regrets officiels, Netanyahu a demandé au ministre de l'Intérieur de surseoir aux travaux de construction… pendant une semaine ! Le gouvernement israélien, le plus à droite jamais composé dans l'Etat hébreu, ne connaît plus de limites dans la provocation et ne se gêne même plus pour faire preuve d'irrévérence à l'égard d'un allié américain qui s'est avéré incapable de fermeté. Le seul espoir de voir la position de Tel-Aviv évoluer un tant soit peu ne peut venir, désormais, que de l'intérieur. Seule l'explosion de la coalition au pouvoir pourrait laisser entrevoir quelque lueur d'espoir. Un tel scénario n'est pas impossible. Il était même envisageable dès le jour où la composition hétéroclite de la coalition était connue. Comme il fallait s'y attendre, la menace vient du parti travailliste. “Il est de plus en plus difficile, pour nous travaillistes, de continuer à siéger dans ce gouvernement”, a déclaré le ministre de l'Agriculture, proche d'Ehud Barak, après l'épisode de la visite de Joe Biden. Benjamin Netanyahu est d'ailleurs très conscient du danger, lui qui ne désespère pas de rallier Tzipi Livni et son parti, Kadima, au gouvernement. En attendant, le temps passe, l'Etat palestinien joue à l'Arlésienne et de nouvelles situations, facteurs de complications, naissent chaque jour par la volonté de l'Etat hébreu.