Les résultats du premier tour des élections régionales en France, qui s'est tenu dimanche, sont sans appel pour l'UMP et l'ensemble de la droite parlementaire qui s'est présentée en rang uni pour la circonstance. Le camp du président Sarkozy, avec un peu plus de 26% des suffrages exprimés, très loin derrière le Parti socialiste qui comptabilise près de 30%, enregistre le plus mauvais score de la droite républicaine dans ce type de suffrages depuis le début la Ve république. A contrario, le PS et la gauche de gouvernement réussissent une véritable prouesse électorale puisque l'addition de leurs scores respectifs dépasse les 50%. Avec plus de 12% des voix, les Verts d'Europe-écologie confirment leur ancrage dans le paysage politique français après avoir réalisé le score historique de 15% aux dernières élections européennes. Si les résultats de la gauche et le leadership du Parti socialiste ne faisaient pas de doute à la veille de cet important rendez-vous, ce qui a le plus capté l'attention des observateurs et des analystes le long de la soirée électorale de dimanche, c'est surtout le taux d'abstention particulièrement élevé (53%) et le retour dans le jeu politique du Front national, qui a enregistré un score de 12%, assurant ainsi sa présence au second tour dans la moitié des 26 régions en jeu, dont 22 en France métropolitaine. D'un point de vue strictement arithmétique, étant donné les résultats du premier tour et l'absence de réserve électorale pour la droite parlementaire, qui ne peut compter que sur une hypothétique remobilisation de l'électorat, la gauche est bien partie pour garder les 24 régions gagnées en 2004. Bien mieux, à l'issue du second tour qui se tiendra dimanche prochain, l'UMP risque de perdre les deux seules régions dont elle a le contrôle, à savoir l'Alsace et la Corse. Si, en Alsace, le camp du président Sarkozy résiste plutôt bien et pourrait garder la région, surtout si la liste d'Europe-écologie refuse de fusionner avec celle du PS et se maintient au second tour, l'Ile de beauté, elle, semble mûre pour balancer à gauche. Au-delà du taux d'abstention record, qui interpelle l'ensemble de la classe politique française, et de l'éclatant succès du PS, ce sont surtout le sévère revers de l'UMP et la percée du FN de Jean-Marie Le Pen qui sont les faits marquants de cette première manche. Après l'annonce des résultats, la famille Le Pen a sablé le champagne pour saluer un succès qu'elle n'avait même pas espéré dans ses rêves les plus fous. Donné comme moribond il y a à peine quelques mois, le parti d'extrême droite revient dans le jeu politique de manière spectaculaire. Dans leur for intérieur, Marine Le Pen et son père doivent remercier ardemment Nicolas Sarkozy et Eric Besson qui, en ouvrant la boîte de Pandore de l'identité nationale à la veille d'une échéance électorale importante, ont décomplexé le racisme et la xénophobie et ont légitimé le discours lepéniste. Sarkozy et les stratèges de l'UMP avaient pensé qu'en ouvrant le débat sur l'identité nationale, la droite parlementaire allait déposséder le Front national de son sempiternel fonds de commerce, lui ravir ce qu'il lui restait d'électeurs et lui donner ainsi le coup de grâce avec, à la clé, la possibilité de reprendre quelques régions au Parti socialiste dont plusieurs cadres ont été “débauchés” dans le cadre d'une pseudo-politique d'ouverture. La stratégie concoctée par l'Elysée était électoralement dangereuse et moralement condamnable. La droite républicaine en paie le prix aujourd'hui, même si ce n'est pas le seul grief retenu à son encontre par l'électorat. Le président Sarkozy a été le premier à vouloir donner un caractère national aux élections régionales avant de faire semblant de se rétracter. Sa responsabilité dans l'échec de son camp est entière et les seconds couteaux de l'UMP, même s'ils ne le formulent pas encore ouvertement, doutent sérieusement de l'opportunité de la candidature de Sarkozy à sa propre succession dans deux ans. Le Premier ministre François Fillon, dont on a si longtemps raillé l'effacement, commence à apparaître comme une alternative. D'aucuns évoquent même, du bout des lèvres, le nom de Dominique de Villepin, l'ennemi intime de Nicolas Sarkozy, pour porter les couleurs de la droite républicaine en 2012, face à un Parti socialiste qui reprend du poil de la bête et décidé à jouer sa chance à fond pour reconquérir l'Elysée. Certes, deux ans encore séparent les Français de l'élection présidentielle et tout peut advenir d'ici là. Il n'en demeure pas moins que ces élections régionales sont le dernier test grandeur nature avant l'épreuve cruciale des présidentielles. Et si les choses demeurent en l'état, Nicolas Sarkozy, qui est au plus bas dans les sondages d'opinion, aura fort à faire pour s'imposer dans son propre camp avant d'espérer rempiler.