Le sommet de la Ligue arabe risque de se terminer en queue de poisson alors que les dossiers de cette région du monde sont lourds. Très lourds. Il se tient chez Kadhafi, et pour les observateurs, il n'y a pas de doute : cela sera une foire d'empoigne. L'hôte du sommet arabe, prévu pour la fin du mois, en Libye, cherche à mener la danse. Kadhafi, qui a célébré dans le faste ses quarante ans de pouvoir, essaye, d'ores et déjà, d'imprimer sa marque personnelle à ce sommet qu'il considère comme le sien. Le leader libyen compte bien transformer la réunion des chefs d'Etat arabes en une sorte de réunion à sa gloire, comme il l'a fait à plusieurs reprises dans les réunions africaines qu'il a organisées sur son propre sol et pour lesquelles il a casqué cash pour faire accepter ses lubies. Seulement avec les régimes arabes, c'est beaucoup plus complexe. Il ne lui sera pas facile d'imprimer sa coloration face à des pairs rompus à la roublardise et qui ne s'en laissent pas conter, quand bien même le dirigeant libyen excelle dans les rebondissements spectaculaires. S'il est vrai que Kadhafi a perturbé plus d'un sommet arabe par ses caprices et coups de colère, jamais une rencontre arabe n'a échoué par sa seule faute. Ses coups de gueule légendaires n'ont duré que le temps d'un sommet, s'arrêtant à des anecdotes sans lendemain. Même lorsqu'il dépasse les bornes, ses pairs qu'il a placés dans son collimateur se sont appliqués à laisser passer son vent. Bon, cette fois, ce sera plus délicat pour le contenir, car ce sera lui le maître de cérémonie et, effectivement, il pourra, d'une façon ou d'une autre, donner libre court à tout ce que la Ligue arabe l'avait empêché de faire jusque-là. Ces derniers jours ont déjà fourni un aperçu de ce qu'il en sera : Kadhafi ne manquera pas de fustiger les Occidentaux, notamment les Européens auxquels il ne délivre plus de visas, en rétorsion à leur mesure contre ses proches interdits de séjour outre-Méditerranée. Kadhafi a déclaré le djihad à la Suisse qui a osé poursuivre un de ses fils, il s'est fâché contre l'espace Schengen en Europe qui s'est solidarisé des Helvétiques et a menacé les Etats-Unis de les priver de son pétrole. Evidemment, il ne souffle pas mot sur le prix qu'il a dû payer pour rentrer dans les bonnes grâces de ce même Occident. Et, cerise sur le gâteau, comme il affectionne de remuer le couteau dans les plaies, le père de la Révolution verte ne s'empêchera pas de s'adonner à son jeu favori : dénoncer les pays arabes, qui refusent de lui prêter main-forte. En attendant, Kadhafi doit croiser ses doigts car il ne sait toujours pas qui fera le déplacement à Tripoli. En théorie, pas grand monde, car lui-même a claqué la porte de la Ligue arabe il y a quelques années en annonçant qu'il se consacrerait désormais à l'Afrique qu'il voudrait bien mettre sous sa coupe. Au fur et à mesure que se rapproche la date du sommet arabe, Kadhafi aura essayé de se placer dans les litiges et conflits qui paralysent le monde arabe, de la Mauritanie aux îles Comores. N'avait-il pas essayé de jouer les entremetteurs entre l'Algérie et l'Egypte lorsque s'installa entre les deux pays la crise du foot ? Un effet d'annonce, sans plus. Et ce n'est pas sans raison si les chroniqueurs supputent sur un sommet riche en folklore. Donc, encore un rendez-vous raté pour les peuples arabes. Mais qui a dit que les régimes arabes sont préoccupés par le sort de leurs peuples ?