Pour le président du RCD, l'impasse politique dicte des formules historiques de sortie de crise. La convention nationale du RCD s'est tenue jeudi dernier à l'hôtel Matarès de Tipasa. Environ deux cents personnes y ont pris part entre cadres du RCD et personnalités. Parmi les invités de marque, on notera des figures de la Révolution comme M. Ladlani de la Fédération de France, Boualem Bourouiba, pionnier du syndicalisme, Ali Haroun, le commandant Azzedine, Leïla Aslaoui, Abdelaziz Rehabi, Abdelhak Bererhi, la sœur de Larbi Ben M'hidi. D'ailleurs, le choix de la date, la veille du 1er Novembre, n'est pas fortuit. Djamel Fardjallah, vice-président du RCD, dans une brève intervention liminaire, indiquera à l'assistance que la convention se veut “un moment critique, un moment d'évaluation et de prospective pour un bilan serein et sans complaisance”. C'est Khalfa Mameri, fort de son expérience d'ancien ambassadeur, qui ouvrira le bal des interventions avec une communication sur “l'Algérie d'aujourd'hui, sa place et son rôle dans le monde”. Il commencera par dire que la politique “qui a été suivie jusqu'ici n'a pas porté ses fruits, parce que ne correspondant pas aux intérêts nationaux et que, par conséquent, une autre politique extérieure est non seulement possible, mais nécessaire et urgente”. Pour l'orateur, il ne s'agit ni plus ni moins que de reformater la diplomatie algérienne qui a, laisse-t-il entendre, tourné le dos aux intérêts du pays. Ali Haroun, visiblement fatigué, improvisera sur “les ingrédients” qui ont donné lieu à la “circoncision” du 1er Novembre, tout en mettant en relief le rôle de premier plan joué par Mohamed Boudiaf. Il parlera aussi de la plate-forme de La Soummam et de son artisan, Abane Ramdane, dont il soulignera, outre le visionnaire, le caractère “cassant”. L'ancien membre du HCE va démentir aussi la thèse — colportée dans les milieux islamo-baâthistes — selon laquelle la Révolution algérienne était menée sous la bannière de l'islam. La sœur de Larbi Ben M'hidi a préféré centrer son propos sur l'Algérie d'aujourd'hui. Elle lance un appel pathétique à l'union sacrée : “Je suis outrée d'entendre aujourd'hui parler de Kabyles, de Chaouis, d'Arabes. Ça suffit, l'Algérie est une et indivisible, elle appartient à tous ses enfants”. La fin de son intervention est ponctuée par une longue ovation de la salle qui s'est mise debout. Boualem Bourouiba, tout comme Ali Haroun, remontera aux sources du 1er Novembre pour dire qu'au début de la Révolution, beaucoup n'y croyaient pas. “C'est le retentissement des premières actions de l'ALN qui a libéré le peuple algérien de sa prison”, témoigne-t-il. Il parlera aussi de la création de l'UGTA par Aïssat Idir en précisant que le projet remontait à 1947. “Avant février 1956, les travailleurs algériens ne participaient pas à la Révolution. Avec la création de l'UGTA en 1956, ce sont 100 000 adhérents qui étaient aussi militants du FLN”, dira-t-il. Abdelaziz Rehabi axera son propos sur l'émergence de la société civile en Algérie. Il déplore l'absence de recherches universitaires dans ce domaine. Pour l'ancien ministre de la Communication, l'émergence de la société civile dans notre pays est perçue comme un phénomène pathologique. “Elle est frappée de suspicion, on se demande toujours qui est derrière telle ou telle organisation”, regrette-t-il en indiquant qu'en Europe, “elle est positivée, elle est intégrée comme une thérapie dans une démarche nationale”. Abdelaziz Rehabi fera remarquer aussi que le combat pour la citoyenneté est dominé par “la quête identitaire engagée dans la foulée du Printemps berbère en avril 80”. Pour sa part, le professeur Mohand Issad est monté à la tribune pour rapporter l'anecdote de son petit neveu, membre des archs, qui lui reproche “de faire de la politique de salon”. Allusion à sa participation au colloque sur le terrorisme au Club-des-Pins. “Nous sommes isolés”, a encore avoué son neveu à Mohand Issad qui appelle à une écoute, à une solution pour la crise de Kabylie. “Pour ma part, j'ai décidé de replonger”, dira-t-il comme pour annoncer son intention de reprendre son bâton de pèlerin à la recherche d'une alternative à l'impasse. Abdelhak Bererhi parlera longuement de la rupture du contrat de confiance entre les citoyens et les politiques. Rejoignant dans son analyse le Dr Sadi, il estime que le moment est aujourd'hui propice pour “une alternative citoyenne”. L'ancien ministre de l'Enseignement supérieur n'y va pas de main morte contre Bouteflika. Dans une belle formule, il compare sa démarche “à la marche du fou dans le jeu d'échec”. L'intervention de Saïd Sadi, de par sa tonalité, traduit l'esprit et les objectifs de la convention du parti. “À la fois dans ses origines et dans ses enjeux actuels, la crise algérienne est d'ordre historique. La solution sera de nature historique ou ne sera pas”, dit-il d'emblée en faisant le parallèle entre la situation actuelle et la veille du déclenchement du 1er Novembre 1954. “Après la déclaration du 1er Novembre, le Congrès de La Soummam aura été le point focal de la lutte pour le choix du modèle d'Etat et du projet de société à offrir à l'Algérie indépendante. Le binôme Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi a voulu donner au futur Etat un socle moderne, démocratique et social pour le préserver des tutelles et des putschs idéologiques et militaristes”. Après avoir passé au crible la situation actuelle, le chef du RCD conclut son propos en rappelant un des principes fondamentaux du parti, à savoir “rechercher et concrétiser le consensus patriotique républicain”. N. S.