La loi de 1990 a mis fin au monopole de l'Etat sur la presse écrite. L'apparition de journaux indépendants a libéré le champ médiatique, en favorisant la liberté de la presse dans notre pays. Souvenons-nous ! Les Algériens étaient informés des événements qui agitaient leur propre pays, par les chaînes de télévision françaises, les plus regardées à l'époque. Les médias publics se contentaient dans leur globalité, à l'exception de quelques rares expériences d'ouverture, de véhiculer les faits et les gestes des officiels algériens. La chape de plomb régnait de manière implacable. Avec la circulaire de Mouloud Hamrouche, qui permit aux journalistes du secteur public de créer leurs propres journaux, l'Algérie a connu un bouleversement majeur dans le secteur. Le foisonnement de titres a favorisé une libération des énergies. C'est une formidable avancée pour les journalistes algériens. Vingt ans après cet acte majeur de la politique algérienne, il y a lieu de marquer une pause et de s'interroger. L'ouverture médiatique est fortement contrariée dès 1992 par les événements qui ont ébranlé le pays. La victoire du FIS, le retour en force des militaires sur la scène politique, le terrorisme qui a enflammé le pays ont considérablement affaibli le travail des médias. L'Algérie n'est plus la même. Le chaos s'installe. Le formidable enthousiasme qui traversait les rédactions nouvellement lancées s'est évaporé. Les journalistes sont pris entre deux feux. Les islamistes lancent des fetwas et décident de passer à l'acte. L'histoire de la presse mondiale témoigne. Jamais autant de journalistes n'ont été assassinés en une période aussi courte (1993-1998). Les rapports de toutes les organisations de défense de la liberté de presse le soulignent. Les protestations n'ont pas suffi. Des journalistes talentueux sont froidement abattus, d'autres subissent le supplice... Peut-on oublier cette sombre période ? La résistance s'organise dans les rédactions. Elle sera exceptionnelle. Elle force le respect des Algériens et de l'opinion internationale. Les journaux sont de hauts lieux de la condamnation du terrorisme et de l'intégrisme. En parallèle, le rapport au pouvoir s'est foncièrement dégradé. Les autorités mettent en place un nouveau dispositif juridique pour encadrer la presse, particulièrement pour le traitement de l'information sécuritaire. La profession refuse et se rebelle. Quand ils ne sont pas traqués par les terroristes, les journalistes peuplent les prisons. Le monopole de l'Etat sur l'Anep, dissous par Mouloud Hamrouche, est rétabli ; les journaux sont suspendus à tour de bras. Les imprimeries d'Etat sont instruites pour tordre le cou aux récalcitrants. Belaïd Abdesselem se distingue tout particulièrement par un acharnement inqualifiable contre la presse. À l'évidence, il ne réussira qu'à souder, entre eux, les titres les plus combatifs. Prétextant la lutte contre le terrorisme, les autorités réduisent le champ de l'expression, en usant de tous les prétextes. Les traumatismes s'accumulent... En 2001, les nouvelles dispositions du code pénal finissent par installer la relation Presse/Pouvoir, dans un rapport profondément conflictuel et de méfiance... Pendant ce temps, l'audiovisuel est totalement cadenassé. Les restrictions à la liberté de presse sont renforcées. Les enjeux de pouvoir pèsent. À défaut de présenter aux Algériens, au plan politique, un programme qui s'attache à favoriser les valeurs qui portent la démocratie, le pouvoir répond par la manière forte. L'autoritarisme, le mépris... deviennent le mode de régulation. L'indépendance de la presse est aujourd'hui totalement aléatoire. La liberté de la presse est respectée du bout des lèvres... Nos voisins, mis à part la désespérante Tunisie, progressent, alors que notre pays stagne continuellement...