Le comédien et metteur en scène Jean-Paul Schintu a présenté, avant-hier soir au public du Centre culturel français, son adaptation du Premier homme, le roman inachevé d'Albert Camus. Retrouvé dans la voiture de Michel Gallimard, qui avait trouvé la mort en 1960, dans le même accident qui a emporté Camus, le manuscrit a fait du chemin, et il a fallu attendre l'année 1994 pour que le roman soit publié. Le Premier homme est l'autobiographie d'Albert Camus, même si pour parler de lui, le Nobel 1957 choisit le pseudonyme de Jacques Cormery, personnage principal de ce roman autobiographique, qui explique les rapports qu'entretenait l'auteur de la Peste avec le monde. Sans détour, Camus écrit son enfance et semble nous dire que ce qu'il est n'est qu'une conséquence d'une enfance pauvre et d'un déchirement suite à la perte du père, tombé au champ d'honneur à la Grande guerre. Camus cherchera un père durant toute son enfance, et trouvera une substitution auprès de son instituteur, M. Germain, qui comblera pour un temps ce vide affectif. Il relate également sa relation particulière avec sa mère, plongée dans le mutisme quasi total. Le propos du roman est surtout la description de la misère et de la pauvreté ; c'est aussi une sorte d'archéologie du chaos intérieur de Camus. Dans la pièce, Jean-Paul Schintu a synthétisé et repris quelques extraits de l'œuvre consistante le Premier homme. Pour plus de réalisme et dans un souci presque pédagogique, le comédien a choisi d'appeler le personnage central de la pièce par Camus, alors que dans le roman, il est question de Jacques Cormery. Dans un décor épuré, avec un jeu de lumières assez intéressant et une musique éloquente signée Philippe Hersant, les déplacements de Jean-Paul Schintu étaient circulaires. En effet, en respectant la chronologie, le metteur en scène a choisi le cercle pour décrire la spirale dans laquelle s'était enfermé Camus. La vision du metteur en scène a complété le propos, même si à l'issue du spectacle, on ressent de la frustration, notamment en raison de ce silence, voire de la négation du rapport de cet auteur ambivalent à l'Algérie. Mis à part une description exotique de l'Algérois, Jean-Paul Schintu a été modéré, fébrile et son émotion était comme contenue. Le comédien s'est confondu avec son personnage. Même si la pièce est un bel hommage à Albert Camus, elle manque, toutefois, de profondeur, et son propos reste peu convaincant. Sa chronologie et son côté scolaire ont annihilé sa profondeur.