Evelyne a la quarantaine passée, croisée à l'aéroport d'Alger pour une visite familiale, elle affiche un visage confiant, car avant de fermer ses bagages, nous dit-elle, elle a eu le bon réflexe. Peut-être celui de fermer le gaz, les fenêtres ou changer le message de son répondeur ? Rien de tout cela. Elle n'a juste pas oublié de planter… des artichauts et des ananas. Est-elle une maniaque du jardinage ? Pas du tout. Seulement une accro de FarmVille, le jeu de ferme virtuelle qui fait fureur sur Facebook. “L'artichaut et l'ananas poussent en quatre jours, ça me laisse le temps de voyager, m'installer, puis récolter, il ne faut pas perdre les récoltes dans FarmVille, sinon on avance pas”, nous explique Evelyne. “C'est aussi ce que je vais faire avant mon voyage pour la Tunisie”, nous déclare Narymane qui fait jaser ses “amis” Facebook, depuis qu'“elle ne fait que jouer à FarmVille et polluer son mur et celui des autres avec des vaches et des chevaux…” FarmVille, késako ? Wiki le résume assez bien : “Un jeu de simulation de ferme en temps réel développé par Zynga, disponible comme une application sur le site Internet de mise en réseau social Facebook… Depuis son lancement en juin de 2009, FarmVille est devenu l'application de jeu la plus populaire sur Facebook, avec plus de 82,7 millions d'utilisateurs actifs et plus de 22,5 millions de fans en février de 2010.” Et encore, ces chiffres sont en deçà de ce qu'annonce Facebook pour ce mois. Le principe de FarmeVille est tout simple, vous plantez ou élevez, vous surveillez puis vous récoltez, direction le marché, vous vendez, vous achetez, vous grandissez, etc., en aidant ou en vous faisant aider par la communauté, que vous invitez à devenir vos “voisins” pour une meilleure expansion. Et puisqu'il y a un marché, il y a de l'argent, certes virtuel, appelé “FarmCoin” et “FarmCash”, mais qu'on peut aussi obtenir en l'achetant avec des vrais dollars chez Zynga, quand la vente virtuelle des produits met trop de temps au goût de l'utilisateur. Désormais Zynga dirigée par le sympathique Mark Pincus est une société de jeux virtuels qui engrange des millions de dollars (plus 100 millions de dollars selon la dernière estimation). Pourtant le business modèle sur lequel repose cette société se nomme le “Free to play” (à jouer gratuitement). Pour y jouer il vous suffit d'installer gratuitement l'application, et vous pouvez choisir d'y jouer sans jamais gratter votre carte bancaire (pour peu que ça soit possible) ! Mais d'où viennent alors les millions de Zynga ? Sur les 85 millions de joueurs à FarmVille, la plupart y jouent sans rien dépenser, pourtant ce sont les 2 à 10% de joueurs qui jouent à la version premium (version payante à 1 dollar l'heure) ou ceux qui achètent occasionnellement des objets, qui ont fait la fortune de Mark Pincus, et grâce à la popularité de ses jeux (parce que Zynga en fait plus d'un sur Facebook dont Café World et Mafia Wars, 35 et 30 millions d'utilisateurs) la publicité finit aussi par rapporter énormément. Pour ce diplômé MBA de Harvard, il n'y avait aucun doute que Facebook est d'abord et avant tout un moyen efficace de rapporter de l'argent, avec du divertissement simple, voire simpliste, car les jeux que proposent Zynga ne sont pas d'une ingéniosité extraordinaire, bien au contraire, mais boosté avec la puissance du réseau et la réactivité ils finissent par avoir un “mystérieux” intérêt que certains ne s'expliquent toujours pas, comme ce bloggeur qui déclare à propos de FarmVille “est-ce vraiment le fun ? Pas vraiment. En fait, il n'y a pas grand-chose à faire à part attendre que les trucs poussent… En plus il y a une petite musique vraiment fatigante, mais je ne sais pas pourquoi, ça semble créer une dépendance...” Marc Pincus vendrait-il l'illusion du contrôle, ça serait ironique pour ce jeune chef d'entreprise qui déclarait avoir appris une leçon importante dans sa vie “pour contrôler sa destiné, disait-il en 2009, il faut savoir contrôler son business”. Dans FarmVille, il est bien le seul à faire pousser un Business bien réel.