Dans un pays réputé pour l'absence de contestation politique, le chef d'un parti, légalisé depuis une semaine, remet en cause “le pluralisme taillé sur mesure”. Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) a défrayé la chronique vendredi à Tunis à l'occasion d'une conférence de presse qu'il a animée. Il n'a pas mâché ses mots en parlant de “pluralisme taillé sur mesure”, dans la vie politique tunisienne. D'après M. Ben Jaâfar, “la compétition politique et le pluralisme n'ont plus de sens dès lors que le parti au pouvoir, RCD du président Ben Ali, garde sa mainmise et que nous continuons à voter avec pour résultats des scores de 99%, voire 100%”. Le secrétaire général du FDTL, qui se considère comme opposant, a dénoncé les agissements du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) qui contrôlerait les administrations publiques et les entreprises économiques par la présence permanente de ses structures au sein de ces organismes. “Il faut arrêter cette mascarade, les Tunisiens ne doivent plus être traités de mineurs”, a clamé Mustapha Ben Jaâfar devant les journalistes et ses partisans. Il est même allé plus loin en parlant de “crise politique” que traverserait la Tunisie. Si l'on se fie à l'analyse de ce dirigeant politique, c'est “une mentalité de parti unique” qui règne au pays de Zine El-Abidine Ben Ali. Pour bien argumenter la vision peu optimiste de son parti quant à une éventuelle ouverture politique en Tunisie, le secrétaire général du FDTL a mis en doute “la possibilité d'envisager des élections démocratiques, transparentes et honnêtes dans les circonstances actuelles”, et ce, en perspective de la présidentielle de 2004. Pour rappel, le président Ben Ali a procédé il y a quelques mois, à des amendements de la constitution, qui lui permettent de postuler à un autre mandat. Il a notamment modifié la limite d'âge, qui l'aurait empêché d'être candidat, alors qu'il l'avait lui-même réduite après sa prise de pouvoir en douceur le 7 novembre 1987. M. Mustapha Ben Jaâfar, estime que les conditions sont loin d'être réunies pour parler d'un véritable pluralisme politique en Tunisie. Il a exclu, ainsi, l'éventualité d'une candidature de son parti à l'élection présidentielle de 2004. Il n'a pas manqué de critiquer un projet de loi, qui sera soumis au Parlement prochainement, et qui autoriserait “exceptionnellement” certains partis à présenter un candidat à la présidence. Le responsable du FTDL a tenu à affirmer que la légalisation de son parti le 25 octobre dernier, soit huit années après sa création en 1994, n'a obéi à aucun marchandage avec le pouvoir. Se considérant comme opposant modéré, Ben Jaâfar a pris ses distances avec le courant islamiste. La sortie médiatique du chef de cette nouvelle formation politique soulève des interrogations. Quelle interprétation peut-on lui donner ? Ben Ali est-il en train de lâcher du lest, car soupçonnant des signes avant-coureurs d'une éventuelle crise ? Ce n'est pas exclu, parce que la stabilité politique en Tunisie a de tout temps été tenue d'une main de fer. Feu Habib Bourguiba et Zine El-Abidine Ben Ali n'ont jamais toléré l'indiscipline. Et le RCD, au pouvoir, a constitué l'outil idéal pour garder l'emprise sur toutes les institutions du pays. K. A.