Il faut vider les prisons des détenus politiques, démocratiser les régimes politiques et répondre aux aspirations des peuples arabes qui sont actuellement marginalisés ou réprimés. Tel est le message adressé, hier à partir de Tunis, aux chefs d'Etat arabes à la veille du sommet d'Alger par huit partis politiques de l'opposition émanant du Maroc, d'Algérie et de Tunisie, lors d'une conférence régionale ayant pour thème « Un Maghreb sans prisonniers politiques ». Organisée à l'initiative de quatre formations d'opposition radicale tunisiennes dont le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), cette conférence, selon Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général de ce parti contacté hier par téléphone, se veut une occasion de poser le problème de l'amnistie générale dans les pays du Maghreb. Mais l'accent, selon ses dires, est mis sur le fait que la libération des détenus politiques et la réhabilitation des exilés est une étape incontournable pour engager nos pays dans le processus des réformes des institutions et de la démocratisation de la vie politique. Tout en évoquant l'occasion du 20 mars qui rappelle, selon lui, les indépendances de la Tunisie et du Maroc et les accords d'Evian pour l'Algérie, Mustapha Ben Jaâfar a souligné que « notre souci est de sensibiliser l'opinion publique maghrébine et arabe à cet anachronisme qui consiste à ce qu'il y ait des détenus politiques au Maghreb, ce qui est le reflet d'un sous-développement politique et d'un déficit démocratique flagrant ». L'autre objectif visé également, selon le responsable du FDTL, une organisation qui demeure toujours non reconnue par le pouvoir tunisien, est de profiter des expériences des uns et des autres, puisqu'au Maroc il y a toute une démarche concernant la réconciliation nationale et que, en Algérie, le thème de l'amnistie générale est en débat. Le seul parti de l'opposition algérienne ayant pris part à cette rencontre, le FFS, par le biais de son représentant, Ahmed Betatache, a dénoncé l'état de la justice, affirmant que « sans une justice indépendante, il n'y aura pas de respect des droits de l'homme ». Mustapha Moatassim, chef du parti islamiste marocain Al Badil Al Hadhari (Alternative civilisationnelle), pour sa part, a salué les auditions publiques de victimes des « années de plomb » (1960-1990) au Maroc. « L'expérience marocaine est un exemple à suivre au Maghreb et dans le monde arabe », a-t-il estimé, espérant qu'elle marquera « la fin de la dictature et des atteintes aux droits de l'homme » dans son pays. L'opposant tunisien Khemaies Chammari a exigé la « libération et le dédommagement de quelque 550 prisonniers politiques » en Tunisie, pays où les autorités nient l'existence de ce type de détenus. Appelant à des poursuites judiciaires contre les auteurs d'atteintes aux droits de l'homme, le président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), Mokhtar Trifi, a dénoncé en particulier « les tracasseries subies par les prisonniers politiques et leur famille après leur libération ». Il faut souligner enfin que l'Association tunisienne des victimes du terrorisme (ATVT), proche du gouvernement, a critiqué la réunion des huit partis politiques en qualifiant d'« incongrue » cette initiative qui « tente de blanchir les extrémistes terroristes en les rebaptisant prisonniers politiques pour les besoins d'une cause étrangère aux droits de l'homme ».