Le moins que l'on puisse dire, pour ce qui est des médecins de la santé publique, tous statuts et spécialités confondus, praticiens, spécialistes, et hospitalo-universitaires, c'est le niveau ridiculement bas des rémunérations, comparé à ceux consentis sous d'autres secteurs plus chanceux et carrément sous d'autres cieux plus cléments pour la condition médicale. Pour toutes ces spécialités, et à peu de choses près, les différences de salaires ne sont pas significatives au point ou chacune d'elles exigerait un examen à part. Aussi, l'on prendra pour exemple ceux des statuts les plus élevés dans la hiérarchie des salaires, ceux des spécialistes de la santé publique. Pour figurer parmi cette catégorie-là, il faut une formation de généralistes, sept années en faculté de médecine, accompagnée d'une période dite de résidence en spécialité qui varie de 4 années pour certaines spécialités à cinq pour d'autres, soit un niveau de qualification pour acquérir le grade spécialiste qui équivaut à bac + 11 (baccalauréat plus 11 années de formation) ou bac+12, un niveau rémunéré en début de fonctions à 44 000 DA en salaire de base, soit 48 000 DA nets, si l'on compte les différentes primes et indemnités, ainsi que les ponctions de l'Irg et des charges sociales. L'ancienneté dans la fonction est comptée sous forme d'indemnité d'expérience professionnelle qui se situe à 1 000 DA environ toutes les trois années, soit en tout 10 000 DA en plus sur toute une carrière de 32 ans maximum : avec un bac en poche à l'âge de 19-20 ans et 11 à 12 années de formation, si tout va bien, le spécialiste à l'âge de 31 ans dans le meilleur des cas, n'a plus devant lui qu'une trentaine d'années pour partir en retraite, et améliorer pendant tout ce temps son salaire de 20% environ sous forme d'indemnité d'expérience professionnelle. Pour en rester aux premières années, ce spécialiste devra passer cinq années en plus, soit avec 50 000 à 52 000 DA de salaire net, pour pouvoir prétendre, améliorer son menu plutôt que son salaire avec la possibilité d'une activité complémentaire, autrement dit passer s'il le désire, une partie de son service dans le secteur privé, soit deux demi-journées par semaine précédemment. S'il désire rester quand même dans le secteur public uniquement, il percevra une prime dite de “renonciation à l'activité complémentaire” de 8 000 DA, une prime imposable, certains médecins spécialistes astucieux la percevant quand même tout en travaillant au noir dans des cliniques privées, vu le coût de la vie et la modicité des salaires consentis, soit donc un traitement total net de 60 000 DA pour une qualification de bac + 16 à 17. À tout cela, il faut ajouter les primes de garde de 24 heures, 1 200 à 1 400 DA imposables pour chaque tour de garde à une fréquence qui dépend des hôpitaux ou établissements. On mesure alors toute l'attention que requiert la question salariale dans le secteur médical public quand on sait que théoriquement, un niveau de qualification de bac + 10 doit être rémunéré à dix fois le Snmg (120 000 DA comme salaire de base si on prend le niveau précédent du Snmg, 150 000 pour l'actualiser en 2010) de même qu'un généraliste bac + 7 devrait être rémunéré à 5 fois le Snmg (bac + 5 en niveau de référence), soit 75 000 DA pour 2010. Dans leurs revendications, les médecins ne sont pas allés aussi loin, et ont proposé une voie médiane et même modérée, une hausse de leurs salaires de 20 000 DA environ par rapport à ceux actuels, dans le statut particulier qu'ils avaient négocié avec la tutelle, un projet de statut qui a pourtant été purement et simplement ignoré par la direction de la Fonction publique. Au surplus, beaucoup de médecins interrogés remarquent au passage que, par le fait d'organisations et de réorganisations hâtivement établies, il n'est pas rare de constater l'existence de praticiens spécialistes, généralistes ou hospitalo-universitaires dans un même établissement ou carrément dans un même service, ce qui pose quelques problèmes d'équivalences salariales pour des tâches équivalentes et de sentiments de frustrations aux journées de réception des fiches de paie. “Faisons le compte, les médecins ont des salaires qui les excluent de l'accès au logement social et du logement socioparticipatif. Il ne reste que la promotion immobilière ou l'achat par crédit logement, ou la location : faites le calcul, en incluant les autres dépenses d'établissement, mariage, véhicule, etc.” Les médecins interrogés ont parlé avec beaucoup de pudeur de cette question salariale en dénonçant les conséquences qui en découlent car, à des niveaux de salaires aussi bas, la qualité souffre d'une manière ou d'une autre, s'attardant surtout sur les immenses défis de santé publique auxquels le corps médical doit quotidiennement faire face, avec l'exigence d'une qualité de soins dans un pays où l'absence de qualité de vie a produit une population malade : trois maladies, l'hypertension artérielle, les troubles cardio-vasculaires, et le diabète affectent à eux seuls 30% de la population, sans compter entre autres, les asthmatiques, les handicapés et ceux souffrant d'autres maladies respiratoires. Les écarts de salaires, indice de développement Dans le cas des médecins, comme dans beaucoup d'autres professions, les avancements et la mobilité dans la profession sont peu motivants, soit 20 à 25% en hausse salariale durant toute la carrière, par le truchement de l'indemnité d'expérience professionnelle, tandis que l'augmentation du Snmg sans hausse concomitante des rémunérations supérieures aboutit, ni plus ni moins, qu'à un tassement des salaires du moment que ceux-ci sont plafonnés. Avec un Snmg à 12 000 DA l'année dernière, l'écart par rapport au médecin spécialiste en début de carrière était de 1 à 3,66, tandis que depuis la dernière augmentation du Snmg à 15 000 DA, l'écart n'est plus que de 1 à 2,93. Soit une baisse relative des salaires. Voilà qui illustre concrètement le laminage des classes moyennes et leur paupérisation, l'exemple n'étant que le dernier en date. Le coup fatal porté au système de rémunération dans le secteur économique public et la Fonction publique à été leur décrochage par rapport au Snmg, ce qui avait complètement déséquilibré et réduit les écarts de salaires ainsi que les structures de revenus des médecins, mais aussi des autres cadres avec qualifications bac + 2 ou bac + 4 et autres qualifications supérieures.