Il n'y a pas de doute sur le fait que le site d'Oued Forcha ne constituait pas, et de loin, un modèle d'urbanisme. Mais il avait été toléré pendant quatre décennies au moins. La chasse soudaine à l'insalubrité, après des années d'acceptation et de politique de l'autruche à son égard repose-t-elle sur le seul souci d'appliquer la loi dans la commune d'Annaba ? Une famille qui vient d'être expulsée manu militari sur ordre de l'administration, sans préavis aucun, s'insurge et demande l'arbitrage des plus hautes instances du pays pour que justice lui soit rendue. En déployant les grands moyens, il y a près d'un mois, pour évacuer sans crier gare la famille Lekouaghet, composée de 8 personnes, de la cité du quartier Pont Blanc, la daïra de Annaba a fait naître la polémique. La bâtisse, située dans un terrain vague au milieu d'une quarantaine d'autres considérées de même nature, a été évacuée avant d'être complètement détruite. Une solution radicale qui fait bondir d'indignation les riverains écœurés par les méthodes brutales utilisées par les brigades d'intervention. La daïra, elle, se justifie en expliquant que le lieu a été retenu par la wilaya pour servir de terrain d'assiette pour un projet d'intérêt public. N'empêche que le dossier de régularisation du terrain, introduit en 1994 et renouvelé, comme le soutient ladite famille, à plusieurs reprises à la demande de la direction locale des domaines, n'a pas fait l'objet de suites et que la procédure, qui a caractérisé cette expulsion spectaculaire, n'a pas été respectée. L'administration a, en effet, fait fi des mises en demeure réglementaires que la famille Lekouaghet affirme n'avoir pas reçues, pas plus qu'elle n'aurait jamais été informée de l'existence d'un quelconque projet de construction sur ce site qu'elle occupe depuis l'Indépendance, tout en faisant des démarches pour régulariser la situation, est-il précisé. “Au lieu de cela on nous a fait expulser par la police, ne nous laissant d'autre alternative que de dormir dans un centre de transit. Ceci après avoir pratiquement détruit tout notre mobilier que les agents communaux et les policiers jetaient sans ménagement hors de notre logement”, dénonce en pleurant la mère de famille. Et d'ajouter que ce qu'elle et ses enfants ont vécu durant cette journée douloureuse ne pourra jamais être oublié. Les traits marqués par ces événements, elle ira jusqu'à comparer les méthodes musclées de la police à celles ayant cours dans les territoires palestiniens lors des expropriations. “Vous vous rendez compte que les policiers ont été jusqu'à tirer des coups de feu de sommation avant de fracasser la porte d'entrée de notre bâtisse. Ils ont malmené l'ainé de mes enfants qui tentait de s'interposer et l'ont forcé brutalement à monter dans leur fourgon. Sommes-nous des Algériens ou non ?”, continuera de se lamenter Mme Lekouaghet. Les agents communaux, que nous avons pu contacter, disent ne pas comprendre ce qui se passe réellement. Pour eux, qui ont procédé à ce sale travail, des dizaines de fois lors des opérations de destruction de l'habitat précaire, les formes avaient toujours été mises par le passé. L'administration a, à chaque fois, été assistée par un huissier pour notifier la décision de justice. A-t-on au moins informé le chef de l'exécutif des démarches de la famille concernée ? Lui a-t-on dit que l'affaire de ce terrain a été suivie de bout en bout et avec un zèle suspect par certains fonctionnaires, qui avait fait pris sur eux de contacter à titre personnel la famille pour lui proposer un logement en échange de leur désistement ? Le bureau d'études chargé de faire une esquisse dans le cadre du cadastre est formel quant à lui en affirmant qu'au niveau de la direction des domaines on lui a toujours fait croire que la bâtisse des Lekouaghet était inhabitée.