La pomme de Yabous fera sortir quelque peu, et pour un certain temps, de l'anonymat toute une région enclavée. La petite commune de Yabous, qui se trouve à 60 kilomètres du chef-lieu de wilaya de Khenchela, se forge petit à petit la réputation de capitale de la pomme. Les terrains accidentés, les reliefs de montagne et, surtout, des chutes de grêle à répétition n'ont pourtant pas réussi à décourager les fellahs de la région producteurs d'une pomme de très bonne qualité. Elle est appréciée dans toute la région, mais aussi aux quatre coins du pays. C'est au début des années 1970, lors d'un programme de plantation gratuite, que les premières tentatives d'introduire le pommier à Yabous et dans toute la région (Bouhmama, Imin Tob, M'sara…) ont eu lieu, et elles furent concluantes. Le climat froid de la région répondait aux exigences de cet arbre de la famille des rosacés, qui a besoin d'une durée de froid située entre 700 et 1 400 heures par an. Si les premières expériences ont eu lieu sur de petits périmètres expérimentaux, ce n'est plus le cas de nos jours. À l'APC de Yabous, le bureau du délégué communal de l'agriculture connaît une activité permanente à la veille de la saison de la cueillette de la pomme précoce (la cardinale acidulée et juteuse), déjà prête pour la vente et la commercialisation. Brahim Fartas, délégué communal de l'agriculture, a bien voulu nous accorder un entretien dans lequel il nous parle, entre autres, de la production de cette saison, de la superficie des vergers… “Je peux vous dire que chaque année, la superficie augmente, pas des kilomètres, mais elle augmente quand même. Nous avons une superficie totale de 282 hectares et 227 hectares en production. Il n'y a pas une seule variété de pommes, mais plusieurs : la golden, la star, la reine de reinette et la cardinale qui est déjà sur le marché. Cependant, nous faisons face à deux ou trois réels problèmes. Il y a un déficit hydrique annuel dû à l'irrégularité des chutes de pluie. Nous sommes dans un couloir où, hélas, la grêle touche un bon nombre de vergers, comme c'est le cas cette année et l'année dernière. Cette année, 14 hectares de pommiers ont été abîmés par la grêle, et à une phase déterminante, c'est-à-dire au moment du grossissement du fruit. La sécheresse peut aussi causer des dégâts”, a-t-il souligné. Les producteurs que nous avons rencontrés au village de Yabous partagent les mêmes soucis et inquiétudes, surtout pour le phénomène de la grêle qui peut anéantir une année entière de labeur. Ils savent tous et par expérience que le pommier est une culture gâtée, qui nécessite un travail sans relâche et une assistance technique permanente. À ce sujet, Rachid, un jeune producteur et petit propriétaire, nous dit : “Il y a un vulgarisateur à l'APC, qui nous aide durant les différentes phases de traitement. Insecticides, fongicides et acaricides sont disponibles, mais très coûteux. Cependant, quand on parle de subventions, on se demande pourquoi ces produits ne sont pas concernés.” Nous avons appris par les fellahs de la région qu'à l'autre bout de la montagne, dans la daïra de Bouhmama, un producteur a fait appel à une société italienne spécialisée dans la protection des récoltes et qu'un filet antigrêle protège désormais la récolte. La solution paraÎt efficace, mais pas à la portée des petits producteurs, car onéreuse. En dépit des chutes de grêle, qui deviennent l'ennemi juré des producteurs de pommes, les vergers de Yabous enregistrent une nette progression en matière de production. Si durant l'année 2009, la production totale était de 8 800 quintaux, sur une superficie de 280 hectares, on s'attend à une production de 19 170 quintaux en 2010. Le bal ou plutôt la valse des gros acheteurs a déjà commencé, les négociations vont bon train, beaucoup de fellahs préfèrent la vente sur pied, avant la cueillette, pour la simple raison que la région ne possède que deux chambres froides ; un autre souci qui s'ajoute à la liste des tracasseries. Des négociateurs viennent de Blida, Alger, Constantine, Mila, Sétif… La pomme de Yabous fait sortir quelque peu, et pour un certain temps, de l'anonymat toute une région enclavée.