La visite d'Etat effectuée par le président russe à Alger, hier, aura surtout permis de confirmer la nouvelle direction prise par les relations bilatérales et accréditer la thèse d'une relance maîtrisée. Que reste-t-il de l'axe Alger-Moscou ? Force est de constater que cet axe s'est sensiblement affaibli, en tout cas, il n'est plus ce qu'il était. Et cela pour des raisons bien évidentes. Il y a eu ce différend au sujet des Mig défectueux et des autres livraisons d'armes que la Russie devait assurer dans le cadre d'un mirobolant contrat signé entre les deux pays. Dans un monde où les blocs ont disparu, chaque pays est devenu plus proche de ses intérêts. Les Russes ont d'autres clients, plus intéressants que l'Algérie, à l'image des géants asiatiques. L'Algérie, aussi, a diversifié son armement, en faisant appel aux Sud-Africains, aux Italiens, aux Anglais et aux Américains, entre autres. Après la première génération d'officiers de l'ANP formés en URSS, d'autres générations d'officiers ont été formées en Algérie, en France, en Angleterre et aux USA. L'Algérie, engagée dans le processus du dialogue des 5+5, regroupant les pays de la Méditerranée, est également invitée aux réunions de l'OTAN. Même si Alger ne lorgne pas sur l'Organisation nord-atlantique, il n'en demeure pas moins que cette dernière considère l'Algérie comme pays pivot dans la lutte antiterroriste, aussi bien en Afrique du Nord que dans la région du Sahel. Autant de facteurs objectifs qui réduisent telle une peau de chagrin les vieilles certitudes et qui dictent une nouvelle attitude de la part d'Alger et de Moscou. Mais la coopération algéro-russe n'est pas seulement militaire. Et c'est justement, dans le domaine énergétique que les deux pays pourraient constituer un nouvel axe stratégique. L'idée d'une Opep du gaz, qui avait fait son chemin, pourrait être relancée à tout moment, surtout, avec l'arrivée d'une nouvelle concurrence. Alors que le Qatar joue le jeu des Américains, en mettant sur le marché un gaz moins cher, Algériens et Russes sont condamnés à coopérer en vue de défendre leur gaz et éviter que ses prix ne s'effondrent sur les marchés internationaux. Il n'est pas exclu de voir se conclure une entente stratégique entre Sonatrach et Gazprom pour contrer l'influence négative du Qatar. Mais l'entente Sonatrach-Gazprom pourrait être élargie à d'autres domaines. Sonatrach a, en effet, besoin de l'expérience et des réseaux du géant russe, pour pouvoir distribuer et commercialiser son gaz en Europe. En contrepartie, le russe pourrait prendre des parts dans les gisements d'hydrocarbures en Algérie. D'ailleurs, ça commence à se manifester, avec l'intention affichée par les Russes de racheter les parts de BNP en Algérie. Même si la visite de Dmitri Medvedev ne devrait pas être sanctionnée par la signature de contrats stratégiques, il est clair que les discussions qu'il aura avec le président Bouteflika abonderont dans ce sens. Maintenant cet axe stratégique est en train de s'élargir à la téléphonie mobile même si le poids des Etats n'est pas le même sur les multinationales. Le dossier Vimpelcom semble intégrer une vente négociée avec une OPA des Russes sur Djezzy mais qui intéresse davantage le gouvernement algérien. Ce champ de coopération est nouveau et touche après l'armement et l'énergie un dossier aussi sensible que la téléphonie. Ce qui laisse dire à certains observateurs que les relations algéro-russes ont dépassé le stade du dogmatisme pour s'installer dans celui du pragmatisme même si le sommet Bouteflika-Medvedev peut ouvrir une nouvelle lune de miel entre deux partenaires historiques.