Plusieurs dizaines d'agriculteurs, toutes filières confondues, ont tenu avant-hier un sit-in devant la chambre de l'agriculture de Tizi Ouzou pour réclamer, encore une nouvelle fois, l'effacement de leurs dettes dans le cadre de la mesure présidentielle annoncée depuis maintenant près de deux ans au profit des agriculteurs. “Aucune des institutions que nous avons sollicitées à ce sujet n'a voulu prendre en charge nos doléances ou tout au moins nous donner des explications”, nous dira Ben Ali Abdelghani, un des agriculteurs initiateurs de cette action de protestation qui n'est, à vrai dire, pas la première du genre à être organisée par ces agriculteurs depuis l'annonce de l'effacement de leurs dettes par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui était alors candidat aux élections présidentielles 2009. Regrettant à demi-mot d'avoir contracté des dettes pour le montage de leur projet dans le créneau de l'agriculture, un des présents au sit-in nous dira qu'“avant de se lancer dans cette aventure suite aux facilités miroitées par les pouvoirs publics nous étions des chômeurs, et maintenant que nos projets sont lancés nous sommes devenus des chômeurs endettés”. Ceci, disent-ils, pour expliquer la situation précaire dans laquelle pataugent les 250 exploitants agricoles qui ont réussi à concrétiser leurs projets après 5 ans, et même 8 ans pour d'autres, passés dans le labyrinthe bureaucratique auquel sont soumis les postulants aux projets dans le cadre Ansej ou Cnac. Que ce soit dans la filière lait, élevage, bovins et du poulet de chair, ou d'autres encore, les exploitants agricoles de Tizi Ouzou disent être tous confrontés au même problème qui fait qu'il leur est impossible de faire face à toutes les charges d'aliment et d'entretien et au même moment rembourser leurs crédits bancaires. “Nous sommes asphyxiés !” disent-ils presque en chœur. “On nous demande de ne pas quitter le pays en harraga, et ne pas suivre les mercenaires de tout bord mais voilà qu'on ne veut pas nous écouter alors que nous voulons juste travailler légalement et même créer des emplois pour d'autres chômeurs et surtout sauver l'agriculture dans cette région déjà en difficulté”, nous dira encore un des agriculteurs non sans déplorer le fait que l'Etat “ne cesse d'écraser l'agriculteur local pour encourager les barons de l'importation des produits agricoles tout en saignant les finances du pays”. La plupart des agriculteurs rencontrés sur place ne cessent de s'interroger sur le comment les agriculteurs des autres wilayas ont bénéficié de cette mesure d'effacement de leurs dettes alors qu'à Tizi Ouzou personne ne veut les écouter. Par ailleurs, même les oléifacteurs sont montés au créneau, après la déclaration de Rachid Benaïssa en marge de la rencontre avec l'Union nationale des paysans algériens (Unpa). Les quelques rares oléifacteurs, joints au téléphone, ne désespèrent pas de faire fléchir le ministre d'autant que les arguments plaident en leur faveur. “Il n'y a pas de cloisonnement. 99% de la production oléicole arrive chez les oléifacteurs qui la triturent pour en extraire l'huile au niveau de leurs huileries”, a confirmé un cadre de la chambre d'agriculture de la wilaya de Béjaïa. Sur la liste des agriculteurs et éleveurs devant être dispensés des remboursements au niveau des agences Badr, il n'y a point de trace des oléifacteurs. Bien que l'Unpa n'ait pas omis de les porter sur sa feuille de route afin de bénéficier des dispositions, a affirmé un oléifacteur de la wilaya de Béjaïa. La banque, après avoir accordé une année et demie de répit à ces derniers, est revenue à la charge et “de manière brutale”. Et pour cause ! Les oléifacteurs ont cessé les remboursements des prêts contractés car ils croient fermement à l'engagement présidentiel. Mais la Badr, en l'absence d'un document officiel, a engagé des poursuites judiciaires à leur encontre, a-t-on expliqué. Maintenant des huissiers frappent à leurs portes. Et une réelle menace pèse sur leurs équipements d'autant que le cumul des traites, des intérêts et des pénalités de retard, est plus élevé que le capital de départ, a-t-on affirmé. Parmi les 22 oléifacteurs recensés dans la seule wilaya de Béjaïa, beaucoup ont dû sacrifier une partie de leur parc automobile, voire vendre des parcelles de terrains pour éponger une partie de leurs dettes.