Nouredine Aït Hamouda, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a fait jeudi à l'Assemblée nationale une intervention très remarquée en réaction à la déclaration de politique générale présentée par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Intervenant lors de la séance des débats, le député de Tizi Ouzou et vice-président de l'Assemblée a commencé par exprimer un regret. “J'aurais voulu intervenir aujourd'hui pour faire des suggestions, mais après avoir écouté le discours du Premier ministre, j'ai soudain l'impression qu'on ne vit pas dans le même pays ni à la même époque”, dit-il en guise de préambule. Et d'enchaîner, non sans ironie : “Ces dernières années, l'Algérie a connu des catastrophes naturelles telles que les séismes de Chlef et de Boumerdès, les inondations de Bab El-Oued et de Ghardaïa, mais le tremblement de terre qui n'est pas classé sur l'échelle de Richter est bien celui de la corruption que vous avez créé vous-même.” Aït Hamouda cite, dans ce cadre, les scandales de Sonatrach, celui de l'autoroute est-ouest, le métro d'Alger, le détournement de l'argent de la zakat et l'utilisation des banques à des fins personnelles. Le député de la formation de Saïd Sadi regrettera que “les richesses du pays, censées être exploitées au profit du peuple, se trouvent, malheureusement, entre les mains d'une minorité”. Il estime que les mesures prises par le gouvernement et le président de la République pour lutter contre la corruption, présentées comme un remède infaillible, ne peuvent être d'aucun effet positif. “Comme réponse à ces scandales, le président de la république a procédé à un remaniement ministériel symbolique et stérile”, dit-il, avant de souligner que “seuls des secrétaires généraux de ministères et quelques cadres sont interpellés ou emprisonnés”. Le député déplore que “comme à l'accoutumée, ce sont toujours les petits qui sont sacrifiés”. Il fera remarquer que “les responsables politiques coupables sont en vacances aux Etats-Unis, en France ou en Angleterre”. “En réalité, ils sont retournés chez eux”, dit-il sur un ton ironique, avant de préciser qu'ils ne sont que des “coopérants techniques”. Nouredine Aït Hamouda regrette aussi que “la justice, au lieu d'arrêter les vrais corrompus, a été mobilisée contre des jeunes à Aïn El-Hammam et Ighzer-Amokrane dont le seul tort est de ne pas avoir observé le jeûne”. Evoquant le livre de Saïd Sadi, Amirouche : une vie, deux morts, un testament, Noureddine Aït Hamouda dénoncera le fait qu'“à part Saïd Sadi, aucun autre responsable national n'a dénoncé le crime inhumain qui a consisté en la séquestration des dépouilles de Amirouche et Si El-Haouès par le président de la République à cette époque. Ce silence est une trahison. Qui ne dénonce pas un crime en est complice”, assène-t-il. Le député de Tizi Ouzou, Aït Hamouda, n'a pas manqué de brosser un tableau noir quant à la situation qui prévaut en Kabylie : l'absence de l'Etat, le terrorisme, la maffia, l'exploitation anarchique du sable de l'oued Sebaou, les kidnappings sont, selon lui, le lot quotidien des habitants de cette région. À cela s'ajoute “l'interdiction aux députés de l'opposition de passer à la télévision et à la radio”. D'où sa conclusion, lancée sur un ton solennel, : “personne ne peut me convaincre qu'il n'y a pas de guerre économique, politique et culturelle contre cette kabylie.” Et de citer, à l'appui de ses accusations, “le blocage du financement du Pnud pour la wilaya de Tizi Ouzou” et le fait que “pour venir de Oujda à Alger, on met 3 heures de route, alors qu'on met 4 heures de Tizi Ouzou à Alger”. “Cette politique, Monsieur le premier ministre, est une politique divisionniste et criminelle”, a lancé M. Aït Hamouda à Ahmed Ouyahia, lui-même originaire de cette même Kabylie. Enfin, pour signifier l'étendue des trafics dans cette région, il citera l'exemple de ce policier d'Iferhounène qui “a vendu 47 voitures en une année”. Plusieurs autres questions ont été soulevées par les députés qui se sont inscrits pour les débats. La nécessité de développer davantage le secteur de l'agriculture, qualifiée d'“unique moyen” de réaliser la sécurité alimentaire et de bâtir une économie diversifiée, a été revendiquée par plusieurs parlementaires. “L'Algérie ne peut plus continuer de compter sur une économie basée essentiellement sur les exportations des hydrocarbures en raison de l'instabilité que connaît le marché international du pétrole”, ont estimé des députés. D'autres appellent à consacrer plus d'efforts au développement dans d'autres domaines comme ceux des services et des énergies renouvelables. Un député indépendant a évoqué, de son côté, l'impératif de passer à une meilleure gestion des biens publics et d'“éviter les impacts négatifs générés par des scandales comme ceux de Khalifa, de Sonatrach ou du projet de l'autoroute est-ouest”. La porte-parole du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, qui a estimé que le bilan du gouvernement des dernières années, “contient du bon et du mauvais”, précisera que “même si nous avons certaines réserves sur un nombre de questions, comme celle de la nature des postes d'emploi créés, nous sommes satisfaits d'entendre le Premier ministre dire que le gouvernement ne cédera pas devant les intérêts de certains lobbies”.