1re partie Parler de Fettouma, l'Algéroise, c'est forcément remonter un peu vers ce passé récent que nous aimons évoquer non sans une pointe de nostalgie. La vieille Fettouma ou la Fettoum, comme l'appellent familièrement les gens du quartier, n'est pas née de la dernière pluie. Elle frôle aujourd'hui les quatre-vingts années avec une fierté non dissimulée. Rien en elle n'avait, à vrai dire, changé. Ni dans sa façon de s'habiller ni dans le décor de sa maison ni dans sa façon de vivre au quotidien. Malgré son âge avancé, on la rencontre souvent, son panier au bout du bras, en serouel, maherma et haïk, et remontant péniblement les escaliers de son vieux quartier. D'aucuns aiment à répéter qu'elle avait gardé en elle ce petit charme authentique des autochtones du vieil Alger. Et c'est la réalité. Fettouma personnifie habilement ce vieil Alger où elle est née et a grandi et qu'elle n'avait à proprement parler jamais quitté. La vieille bâtisse qui l'avait vue naître, et même vu naître ses enfants, est toujours là pour lui rappeler ses origines et son passé. Quand vous rentrez chez Fettouma, vous faites assurément un grand pas vers ces années enfouies dans les dédales du temps, et que ce dernier n'arrivera jamais à effacer. La grande cour carrelée, aux murs de faïence espagnole, et les balcons aux balustrades en bois sculpté, le petit puits à margelle et les escaliers en marbre, replongent le visiteur dans une atmosphère féerique, dont seule Fettouma détient encore certains secrets. Se sentant vieille et trop seule pour habiter dans cette grande maison en solitaire, Fettouma a décidé de louer certaines chambres du rez-de-chaussée à des étudiantes. Elle avait versé quelques larmes en se remémorant certains détails. Ici, dans cette maison, chaque carré lui appartient. Jadis, la cour et la maison étaient peuplées. Des cris, des rires, des chants, des danses, et des soirées interminables avaient ravivé ces murs, aujourd'hui glacés. C'était l'époque où elle n'était encore qu'une enfant, L'époque où, insouciante, elle avait gambadé dans cette cour, couru à travers ces chambres et joué dans ces escaliers. Et puis, il y avait eu son mariage. Ah ! comme cela lui paraissait si loin. À franchement parler, elle se rappelle tous les détails importants. Cela s'est passé exactement en 1945. Oui, c'était juste à la fin de la Seconde Guerre mondiale… À suivre Y. H.