Le second tour de l'élection présidentielle guinéenne a été une nouvelle fois reporté, comme nous le pronostiquions dans notre édition de samedi, et la prochaine date de sa tenue n'est toujours pas précisée. Malgré la nomination d'un président étranger à la tête de la commission électorale et, bien que les deux camps en lice dans cette joute électorale aient déclaré accepter un léger report, si toutefois il se justifie par des considérations techniques, comme c'est effectivement le cas, la violence ne s'est pas arrêtée. Affirmant que certains des leurs ont été empoisonnés lors d'un meeting tenu vendredi après-midi, les partisans d'Alpha Condé, candidat et opposant historique, se sont adonnés à des violences en Haute-Guinée, leur fief. Ils ont notamment saccagé des véhicules et des commerces appartenant à des Peuls, ethnie à laquelle appartient le candidat adverse, Cellou Dalein Diallo. Cela a fait sortir de sa réserve le président de transition Sékouba Konaté, qui s'est adressé à la nation dans un discours radiotélévisé sur un ton à la fois pathétique et ferme. “C'est un homme déçu et frustré que vous avez aujourd'hui devant vous”, a-t-il déclaré, tout en déplorant que la démocratie puisse être “un prétexte de violence.” “Je n'accepterai pas”, a-t-il poursuivi, “que des Guinéens se sentent étrangers chez eux, ou soient traqués à cause de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique.” Il a également mis en garde, sans les nommer, “certains acteurs de la vie politique”, qui fondent leur stratégie électorale sur le chaos et le désordre, et auxquels il promet une “tolérance zéro.” Se sentant interpellés, et peut-être même menacés, les deux candidats en lice ont emboîté le pas au président de transition pour appeler au calme leurs partisans respectifs. Alpha Condé, l'outsider arrivé en deuxième position au premier tour avec un peu plus de 18% des voix, a lancé un appel à ses partisans. “Je les ai appelés au calme, à éviter la violence, à éviter d'attaquer les boutiques… Nous voulons qu'on aille aux élections le plus rapidement possible, dans la paix et la tranquillité”, a-t-il déclaré. Dalein Diallo a, de son côté, demandé à ses partisans de “faire preuve de responsabilité, de retenue afin de préserver la paix et l'unité de la nation parce que ceci est très précieux…” Il a également fait état de son inquiétude face “à la tribalisation excessive du débat et de cette violence”. Depuis le premier report du second tour de scrutin prévu initialement en juillet, la violence s'est installée en Guinée et s'est progressivement abreuvée de clivages ethniques. Des morts, des blessés, des viols, des saccages de biens publics et privés ont été enregistrés. Après le coup d'Etat de 2008 et une transition pas plus mauvaise qu'une autre, le retour au jeu démocratique n'arrive pas à se frayer un chemin dans le calme. À travers cette situation, la Guinée prend les contours d'une véritable caricature de l'Afrique. Car, faut-il le rappeler, coups d'Etat, violences politiques et affrontements ethniques ne sont pas l'apanage de la seule Guinée. C'est comme si le continent africain était condamné à choisi éternellement entre des dictatures garantissant une stabilité relative et un semblant de démocratie qui signifie souvent violence et affrontements.