La culture de l'interdisciplinarité est totalement inconnue. Des citoyens qui se branchent en toute impunité aux différents réseaux, des routes sans évacuation d'eau et des maisons construites aux bords des oueds. C'est pour ainsi dire du jamais vu ! Le souvenir des dégâts causés par les intempéries de septembre 2007, se chiffrant à des milliards de dinars, est encore vivace dans l'esprit des habitants de la capitale des Aurès qui, d'un point de vue topographique, se trouve dans une cuvette. L'exemple le plus édifiant reste l'école des jeunes sourds-muets (cité la Verdure) qui a avait perdu presque la totalité du matériel pédagogique, et ce en dépit de l'existence d'un tunnel de 2 400 mètres pour la protection de la ville. Aujourd'hui, on parle de négligence qualifiée, mais on ne connaît toujours pas le responsable. Les orages qu'a connus la ville de Batna au début du mois de novembre ont mis encore une fois à nu l'inefficacité du système d'évacuation des eaux pluviales. 20 minutes ont suffi à bloquer la circulation et à inonder plusieurs quartiers situés sur les hauteurs de la ville, à savoir les cités Bouzghaïa, de Chouhada, Bourdj El-Ghoula, du 5-Juillet et enfin le quartier de la Verdure. À l'Office national de l'assainissement (ONA), dont le siège se trouve à la cité Kechida (zone industrielle), on nous apprend que l'office ne réalise aucun projet et qu'il ne s'occupe que de la gestion et du nettoyage des réseaux d'assainissent. Les groupes d'intervention en matériel roulant (camion spéciaux) font des déplacements quand c'est nécessaire, et dans les cas extrêmes, ils sont mobilisés, ce qui était le cas lors des dernières chutes de pluie. Un chef d'antenne préside une cellule et reste en contact avec les services météo, qui lui fournissent régulièrement des bulletins. En une nuit, il y a eu 139 interventions, dans 16 points différents, sachant que l'équipe connaît parfaitement les points sensibles de la ville : Bouakal 1, 2 et 3, Bordj El-Ghoula, Kechida et Douar Disse. On nous explique aussi que ce ne sont pas les fortes chutes de pluie qui obstruent, à elles seules, les avaloirs et autres conduites, mais bien d'autres surprenantes et désolantes raisons. Le goudronnage des avaloirs apparents ou encore leur inexistence, la vétusté des conduites, leur sous-dimensionnement et les extensions anarchiques. Comment peut-on réaliser un réseau routier sans avaloirs ? Car la pratique existe bel et bien. Aussi, on est en droit de se demander qui est responsable de cette situation. Aux services techniques de l'APC de la ville de Batna, c'est le chef de service voirie et réseaux divers qui nous reçoit et qui parle longuement de la menace des crues. “Batna est dotée d'un système d'assainissement unitaire, c'est-à-dire qu'il transporte les eaux usées et pluviales. Beaucoup d'études ont été consacrées à la protection de la ville contre les crues : tunnel de protection pour les cas extrêmes, fosses de protection (ceintures) et différents canaux. Cependant, le projet et la réalisation risquent d'être inutiles, sinon obsolètes s'il n'y a pas l'entretien. Il faut se préparer aux crues dès le mois d'août, par le curage du réseau d'assainissement aussi bien les déversoirs que les avaloirs, le curage des cours d'eau, mais aussi le nettoyage de la ceinture de protection que les riverains ont transformée en décharge sauvage et qu'ils ont totalement obstruée, raison pour laquelle l'eau déborde sur la route.” Et de poursuivre : “D'une manière générale, les grands collecteurs sont fiables et aux normes, et leur dimensionnement est juste. Ce qui pose problème, ce sont les réseaux terriers et secondaires. Il y a — et il faut le reconnaître — des tronçons réalisés par les habitants eux-mêmes et qui nous sont inconnus.” Ce sont autant de points négatifs qui s'ajoutent à un relief qui rend la capitale des Aurès sujette à des crues qui, selon certains spécialistes, risquent de causer des dégâts aussi bien matériels qu'humains, car, à Batna, beaucoup d'endroits considérés comme inconstructibles sont désormais habités. À ce sujet, nous avons demandé au chargé de l'urbanisme et adjoint du P/APC de Batna de nous éclairer sur les projets et les moyens mis en œuvre, pour pallier toute éventualité relative aux crues que connaît la ville de Batna. Ce responsable souhaite ainsi une coordination entre les différents services, mais aussi l'implication du citoyen. “Le citoyen a une responsabilité qui avoisine les 50%. Batna est classée 5e ville du pays par sa population. Je ne pense pas que les 300 agents de l'APC pourront faire quelque chose, si le citoyen ne collabore pas. La coordination avec les autres secteurs (eau, gaz, électricité) pose un sacré problème. Nous ne pouvons restaurer toutes les routes, ou plutôt à quoi bon si le lendemain ou la nuit même, la Sonelgaz ou autre entame des travaux”, dit-il. Un problème de communication se pose, car il n'y a aucune coordination. La culture de l'interdisciplinarité est totalement inconnue. Des citoyens qui se branchent en toute impunité aux différents réseaux, des routes sans évacuation d'eau, des maisons construites aux bords des oueds. C'est pour ainsi dire du jamais vu ! Il est temps de mettre le holà.