Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, un certain nombre de rapports établis par des institutions officielles et rendus publics, au cours des dernières semaines, semblent confirmer une réaction et une évolution fortement défavorable à des l'investissement étranger en Algérie en 2009 et en 2010. L'aspect le plus ironique de ce dossier, c'est que le nouveau cadre juridique, annoncé depuis près de 2 ans, par les autorités algériennes, et qui est à l'origine de l'attentisme des investisseurs internationaux, n'est toujours pas en place. Le plus récent de ces rapports date de quelques jours. Le bilan établi par l'Observatoire des investissements et partenariats en Méditerranée (ANIMA) pour les 9 premiers mois de l'année 2010 fait état pour notre pays de “seulement 8 projets détectés en 9 mois contre 35 en 2009 tous secteurs confondus”. Signalons que les projets concernant le secteur des hydrocarbures font partie de cette évaluation. L'étude souligne que l'Algérie est le seul pays méditerranéen où “la baisse du nombre de projets d'investissement se double d'une diminution du nombre de partenariats, en l'occurrence très marquée”. L'Observatoire des investissements et partenariats en Méditerranée estime en outre que ce “mauvais bilan” algérien est “probablement imputable à l'adoption de nouvelles mesures contraignantes pour les investisseurs étrangers, et au flou relatif qui a prévalu quant à leur possible caractère rétroactif”. L'image peu attractive de l'Algérie en tant que terre d'accueil des IDE était confirmée au début du mois par une mission du FMI qui a séjourné 15 jours dans notre pays. La conférence de presse du chef de mission, M.Joel Toujas Bernaté, le jeudi 4 novembre, avait donné lieu à un bilan chiffré sans concession sur les performances économiques récentes de l'économie algérienne. Au chapitre des investissements étrangers, la délégation du FMI relevait des IDE, hors hydrocarbures et hors secteur financier, d'environ 280 millions de dollars en 2009 et divisés par près de 3 (baisse de 60%) entre 2008 et 2009. Pour les 6 premiers mois de l'année 2010, la délégation d'experts faisait état d'un montant d'IDE évalué à moins de 250 millions de dollars. Le chef de mission du FMI avait estimé que les mesures de recadrage des investissements étrangers et du commerce extérieur décidé par le gouvernement algérien ont eu un “impact sur le comportement des investisseurs qui ont pris une position d'attente pour voir dans quelles conditions ils peuvent venir investir en Algérie”. Les experts du FMI relevaient de surcroît que 2010 a connu une reprise importante des flux de capitaux vers les pays émergents. “Nous n'avons pas observé une reprise semblable pour l'Algérie au niveau des investissements directs étrangers, qui reste très faible”, avait ajouté M.Toujas Bernaté. Les dénégations du Premier ministre Cette évolution est toujours contestée par le Premier ministre. À l'occasion de la présentation de son discours de politique générale devant les députés, Ahmed Ouyahia a nié l'impact prêté aux mesures du gouvernement sur le flux des IDE. Le Premier ministre relevait tout d'abord que selon les chiffres de la Banque d'Algérie, les investissements directs étrangers hors hydrocarbures dans notre pays ont en réalité augmenté en 2009 pour atteindre1,6 milliard de dollars contre 1,4 milliard en 2008. La contradiction avec le bilan du FMI semble totale. Elle n'est en réalité qu'apparente. Un cadre supérieur du ministère des Finances qui a accompagné la délégation du FMI commente : “Les experts du FMI ont fait sortir des bilans 2009, ne le jugeant pas significatif de la tendance générale, l'investissement “forcé” imposé aux banques étrangères installées en Algérie par l'augmentation du seuil du capital minimum qui représente un montant proche de 1,3 milliard de dollars et plus de 80% des IDE recensés au cours de l'année dernière”. Tout le monde a donc raison en faisant dire aux chiffres ce qui l'arrange le mieux. La même opération ne pourra évidemment pas être renouvelée cette année et les bilans de l'investissement pour 2010 vont enregistrer, cette fois sans doutes possibles, une chute libre des IDE hors hydrocarbures, qui avec des chiffres se situant autour de 400 millions de dollars vont être divisés par 3 ou 4 et retrouver leur niveau du début de la décennie écoulée. Incompréhension L'argumentation présentée par M. Ouyahia adopte en outre un point de vue qui a provoqué l'incompréhension de beaucoup de partenaires de l'Algérie. Le premier ministre fait valoir que les “chiffres de la Banque d'Algérie, institution responsable du suivi des mouvements transfrontaliers des capitaux, confirment que les investissements étrangers hors hydrocarbures n'étaient pas là substantiellement, avant les mesures prises par le gouvernement”. Pour appuyer cette appréciation, M. Ouyahia mentionne de nouveau les chiffres de la Banque centrale et évoque des IDE d'environ “200 millions de dollars au début de la décennie, de 500 millions en 2005 , de 1 milliard en 2007 et de 1,4 milliard en 2008”.Le responsable d'une mission économique étrangère nous confie son étonnement et un certain découragement : “Comment peut-on dire que les investissements ne sont pas là, alors qu'ils ont été multipliés par 7 en quelques années, rien qu'en dehors du secteur pétrolier. Certains pays voisins ont mis plus de 20 ans pour parvenir à des niveaux d'investissements comparables.” Quel avenir pour les lois Ouyahia Au-delà de ces querelles de chiffres, les principales interrogations portent désormais sur l'avenir du dispositif annoncé par les autorités algériennes. Un expert algérien, conseiller auprès d'une association patronale nous faisait remarquer voici quelques jours que la règle concernant “la balance devises positive” constitue un des aspects essentiels du nouveau cadre juridique annoncé par l'Exécutif algérien. Il s'agirait même de celle que beaucoup d'investisseurs étrangers considèrent comme la plus importante du fait qu'elle touche à la question très sensible du transfert des bénéfices. Annoncée dès la fin de l'année 2008 par les instructions de M. Ouyahia et officialisée par la LFC 2009, cette disposition n'est à l'heure actuelle toujours pas en vigueur en l'absence de décrets d'application. Notre interlocuteur s'interroge sur la possibilité réelle de mettre en application une mesure aussi complexe. Il est tout aussi dubitatif au sujet de la possibilité d'une application prochaine et effective de l'“obligation d'investir” imposée, cette fois par la LFC 2010, aux entreprises étrangères bénéficiant de contrats publics. Une idée “juste dans son principe mais qui n'a pas encore fait l'objet d'un travail de maturation suffisant”.