Comme ça, ça sera un vrai hold-up électoral. L'opposition égyptienne ne va pas concourir pour le deuxième tour de dimanche. Le geste est symbolique car le parti au pouvoir au Caire, le Parti national démocrate (PND) de Hosni Moubarak, a raflé, sur fond d'abstention massive, près d'un tiers des sièges, soit 170 sur 508, dès le premier tour. Laminés, les Frères musulmans, qui contrôlaient un cinquième de l'Assemblée sortante, n'ont rien obtenu, pas même un siège, jette l'éponge. Principal bloc d'opposition dans le Parlement sortant avec 88 élus, cette formation, interdite mais “tolérée”, a vu ses 130 candidats rejetés, et dans ses grands fiefs, 26 sont en ballottage. Les libéraux s'en sont sortis un peu mieux : ils ont glané six sièges. L'opposition laïque, à laquelle Moubarak avait fait miroiter une représentation significative pour la dissuader de répondre à l'appel au boycott du prix Nobel de la paix, Mohamed ElBaradei, chantre d'une démocratisation de l'Egypte, n'a rien eu. Et pour ne pas faire le jeu de Moubarak, elle aussi claque la porte : pas de deuxième tour, comme les libéraux et les islamistes. Passage en force. L'ampleur des fraudes, intimidations et violences au premier tour a ouvert la voie à un Parlement qui sera dominé à plus de 95% par le parti au pouvoir ! Selon les analystes, le PND a besoin plus que du seuil critique des deux tiers, voire des trois quarts des sièges, pour s'assurer la maîtrise totale du processus législatif et constitutionnel, à un an de la présidentielle. C'est la raison pour laquelle les élections ont été une suite d'irrégularités, de fraudes, d'intimidations et de violences. Trois morts et des centaines de blessés. Le bilan aura été beaucoup plus lourd, si la participation était plus élevée. Défiance populaire. Quatre électeurs sur cinq n'ont pas jugé utile de se rendre aux bureaux de vote dans le pays des Moukhabarates ! Contrairement à la législature précédente, Moubarak, cette-fois, n'a pas voulu de mouches du coche dans son régime, quitte à faire montre de son vrai visage d'autocrate. C'est qu'au-delà du Parlement, ces législatives sont capitales pour la présidentielle de l'année prochaine. Soit le président égyptien, au pouvoir depuis 1978, se représente malgré son état de santé. Cela voudra signifier qu'il n'est pas parvenu à rallier à son rêve dynastique l'armée et la vieille garde. Sinon, c'est la voie lactée pour l'octogénaire : le PND présent son fils Gamal, proche des milieux d'affaires, notamment des nouveaux riches, et qui a justement été élevé pour hériter de l'Egypte. Moubarak, rompu aux jeux politiciens, cherche à établir le rapport de force interne au PND idoine pour décider sans la vieille garde, donc sans l'armée, l'avenir de son régime. En remportant plus de 40% des 508 sièges de l'Assemblée dès le premier tour, le PND est d'ores et déjà sur orbite. Alors, ça devrait se jouer entre les Moubarak, le père et le fils. L'armée aura tout de même son mot à dire, car elle sait qu'elle devra contenir la rue si le double scénario des Moubarak venait à se concrétiser. Quant aux admonestations internationales, Moubarak a signifié aux Occidentaux qu'il se foutait de ce qu'ils pouvaient dire et penser. Face à l'enjeu du rendez-vous de 2012, Moubarak n'a pas hésité à se débarrasser de la démocratie procédurière dont il s'habillait, à ne pas s'embarrasser de caution pluraliste. Les Etats-Unis, dont la demande d'observateurs internationaux avait été sèchement rejetée, ont fait part de leur “déception” face au déroulement du scrutin. Mais ces mêmes Occidentaux pourront toujours dire de Moubarak qu'il a effacé de la vie institutionnelle les islamistes ! L'an prochain, la présidentielle se déroulera avec un candidat, un seul, puisque après leur retrait, aucun parti d'opposition ne devrait être en mesure d'y présenter un candidat sans l'aval du PND. Selon la Constitution, ce privilège est réservé aux partis légaux représentés au Parlement et aux indépendants qui recueillent 250 signatures d'élus.