La ministre des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, a dû s'expliquer jeudi soir devant le Congrès espagnol sur l'implication de Madrid sur le rôle joué par Madrid dans la réalisation du plan d'autonomie présenté par Rabat comme solution alternative à l'indépendance du Sahara occidental, avec le concours de Washington. L'Espagne est loin d'être neutre dans le conflit du Sahara occidental, si l'on se fie aux nouvelles révélations de WikiLeaks, qui cite toujours des notes diplomatiques américaines. Celles-ci indiquent que l'Espagne a poussé le Maroc à rédiger le plan d'autonomie du Sahara avant sa présentation en 2007. Cette information n'a pas manqué de faire réagir l'opposition en Espagne, qui doute désormais de la neutralité du gouvernement. Accusé de “partialité active” dans ce conflit, le gouvernement Zapatero s'est défendu par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, qui persiste à dire que son gouvernement est neutre. Devant la commission des affaires étrangères du Congrès espagnol, Jimenez a affirmé le 15 décembre dernier qu'il y avait en effet “un travail intense réalisé par Madrid pour aider les parties à trouver une solution juste et équilibrée”, mais le gouvernement Zapatero ne se serait pas prononcé pour une solution plutôt que pour une autre. L'Espagne “soutiendra celle qui sera le fruit d'un accord”. Il n'en demeure pas moins que le quotidien espagnol El Pais a publié plusieurs notes diplomatiques américaines confidentielles, obtenues par WikiLeaks, qui révèlent les positions respectives de l'Espagne et des Etats-Unis au sujet du conflit du Sahara et des possibilités pour aboutir à des solutions durables pour la région. Ainsi, les notes WikiLeaks envoyées par les ambassades américaines à Madrid et à Rabat en 2006 apportent du nouveau sur la véritable position de Madrid. Elles révèlent que le plan d'autonomie pour le Sahara marocain, présenté en 2007, n'était pas une initiative purement marocaine. Des câbles diplomatiques datant de 2006 indiquent que les Etats-Unis et surtout l'Espagne encourageaient “activement” le Maroc à établir un tel plan. Un câble diplomatique du 29 mars 2006 affirme que “le Maroc devrait présenter un plan d'autonomie crédible […] concret et pas conservateur”, tel aurait été le principal message de l'Espagne envers son voisin du Sud. Idem pour l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à Rabat, Thomas Riley, qui aurait affirmé que c'était “aussi un message-clé des Etats-Unis”. Espagnols et Américains étaient d'accord sur le bien-fondé d'un plan d'autonomie, mais sans que cela ne soit officiel. Une note diplomatique datant du 31 octobre 2008 révèle qu'“officiellement, l'Espagne continuerait de soutenir un référendum”. Il est même question d'un “non-paper”, une proposition qu'Alvaro Iranzo, responsable du Moyen-Orient et de l'Afrique au sein du ministère des Affaires étrangères espagnol, aurait soumis aux Etats-Unis concernant le Sahara occidental, le 11 février 2006. Celle-ci détaille la proposition espagnole dans laquelle il est évoqué un statut semblable à celui de la Catalogne pour la région du Sahara, soit une autonomie très large, avec un gouvernement propre, mais sous l'autorité du gouvernement central. Il y est recommandé d'abandonner “un vocabulaire de décolonisation, et des mots tels que souveraineté et indépendance, en faveur d'un vocabulaire de mondialisation, des mots comme régionalisation, autonomie, autogouvernement”. On ne peut que s'interroger sur ce double langage du gouvernement Zapatero dans ce conflit du Sahara occidental. À en croire ces câbles diplomatiques, il s'expliquerait par l'intérêt de l'Espagne dans cette région. “La dépendance de l'Espagne du gaz naturel algérien, mais aussi de la main-d'œuvre marocaine, le commerce et la coopération transfrontalière avec le Maroc mettent l'Espagne dans la position délicate de devoir maintenir de bonnes relations avec les deux pays. L'intérêt national de l'Espagne suppose clairement de résoudre ce conflit, d'ouvrir la frontière maroco-algérienne et négocier avec une économie nord-africaine intégrée”, motivent cette démarche de Madrid, selon les diplomates US, auteurs des notes révélées par WikiLeaks.