C'est une grande avancée. Les médecins ne sont plus obligés à retirer la totalité du sang nocif en cas de coma d'un malade, atteint d'insuffisance rénale ou de procéder à l'oxygénation du sang en cas d'intervention cardiovasculaire. Les TEC permettent, à l'heure actuelle, de cibler directement la partie du sang à traiter et in fine de restituer son propre sang au patient, une fois le traitement réalisé. Cette offre de soins est déjà très développée dans le service de néphrologie que dirige le professeur Farid Haddoum. Liberté : Un séminaire sur les thérapies extracorporelles, les TEC, vient de se tenir à Alger. En quoi consistent ces nouvelles techniques ? ll Pr F. Haddoum : Les thérapies extracorporelles, ou TEC, sont un ensemble de techniques innovantes utilisées en médecine pour l'épuration du sang (c'est le cas, par exemple, de l'hémodialyse, de l'hémofiltration et de l'hémodiafiltration), pour la séparation des éléments du sang, pour la purification du sang et enfin pour l'oxygénation du sang pendant les interventions de chirurgie cardiovasculaire (cœur-poumon artificiel). Voici pour les plus importantes. L'ancêtre de ces différentes méthodes modernes est l'exsanguino-transfusion, qui consistait à retirer le sang total d'un patient (sang considéré comme nocif) pour le remplacer par le sang d'un autre (sang considéré comme sain). Nous ne sommes plus obligés d'agir ainsi pour débarrasser le sang et l'organisme du patient de ses déchets et/ou de ses toxiques qui mettent sa vie en danger. Les TEC permettent, à l'heure actuelle, de cibler directement la partie du sang à traiter et in fine de restituer son propre sang au malade, une fois le traitement réalisé. Elles sont appelées extracorporelles car elles nécessitent toutes un circuit sanguin externe. C'est à travers des lignes que le sang est retiré du patient pour bénéficier ainsi du traitement grâce à des filtres. Il est ensuite réinjecté au patient une fois épuré et purifié des toxiques et des autres déchets. Vous l'aurez compris, ce sont des soins de haut niveau, spécialisés, nécessitant des équipements particuliers et le savoir-faire d'équipes entraînées à ces méthodes. Elles sont d'une très grande efficacité, elles sauvent des organes mais également et surtout des vies. Notre pays doit impérativement les développer dans tous les CHU pour le plus grand bénéfice de nos patients. Les TEC doivent également être enseignées et incluses dans les programmes d'enseignement de la médecine dans nos différentes facultés. Quelles étaient les disciplines médicales concernées par ce premier séminaire les TEC ? ll Pour ce premier séminaire, l'accent a été mis sur deux TEC que partagent nos deux disciplines, la néphrologie et la réanimation. Il s'agissait de l'hémodiafiltration continue et de la plasmaphérèse par filtration. Nous avions invité, à cette occasion, deux experts français et un expert algérien exerçant à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pour échanger nos expériences respectives et faire le point sur les dernières avancées dans ce domaine. L'hémodiafiltration continue s'adresse aux malades qui présentent un arrêt brutal de la fonction des deux reins et qui sont également en situation de défaillance cardio-circulatoire. Grâce à cette TEC innovante, qui permet de réaliser durant plusieurs jours de la dialyse malgré des tensions artérielles très basses, on peut les maintenir en vie et épurer ainsi leur sang pendant toute la durée de la phase critique. C'est un réel progrès et cela sauve des vies. Nous avons également débattu longuement de la plasmaphérèse par filtration. Alors pour faire très simple, on procède grâce à cette TEC à la séparation plasma/cellules sanguines. Le plasma séparé est éliminé et il est ensuite remplacé par de l'albumine humaine ou par d'autres succédanés du plasma. Le plasma du patient est ainsi renouvelé durant plusieurs séances jusqu'à sa guérison. La plasmaphérèse est indiscutablement une technique révolutionnaire qui a complètement bouleversée le pronostic de maladies autrefois toujours mortelles. Peut-on connaître les autres catégories de patients qui vont en bénéficier à l'avenir ? ll Pour l'HDF continue, elle s'adresse à des patients qui souffrent de choc septique suite à une infection grave, de choc cardiogénique et autre situation de défaillance multiviscérale avec arrêt de la fonction des reins. C'est le plus souvent des malades admis en réanimation, en néphrologie et en cardiologie. Pour la plasmaphérèse, elle s'adresse en priorité aux patients atteints de maladies rénales aiguës (syndrome hémolytique et urémique, glomérulonéphrites malignes, rejets de greffe rénale, vascularités et lupus), ceux qui souffrent d'affections neurologiques responsables de paralysies respiratoires ou d'accidents vasculaires (les myasthénies, le syndrome de Guillain-Barré et les neuro-lupus) et, enfin, ceux qui sont atteints d'affections hématologiques très graves (maladie de Kahler, maladie de Waldenstrom). Ces TEC sont-elles disponibles dans votre service ? ll Nous avons, en effet, développé, dans le service de néphrologie que je dirige au CHU Hussein Dey (ex-Parnet), cette offre de soins à partir de 2009. La technique HDF continue est maintenant disponible en routine dans notre service et c'est ainsi, qu'en 2010, nous avons pris en charge 14 patients très lourds, soit au sein même du service de néphrologie, soit dans le service d'origine du patient. Notre équipe se déplace vers le patient avec l'appareil et les consommables nécessaires. En 2010, nous avons également introduit la technique de plasmaphérèse et 15 patients ont déjà été traités par 3 à 8 séances selon la cause. Deux transplantés rénaux en ont bénéficié pour préserver leur greffon rénal du rejet aigu. Le service a également pour vocation l'initiation et la formation d'autres équipes des autres CHU du pays. Trois équipes sont actuellement en stage dans notre service. Pour 2011 et 2012, nous avons programmé l'introduction de l'ImmunoAdsorption pour faire disparaître chez les receveurs de greffe rénale les anticorps HLA dirigés contre leurs donneurs. Ceci permettra de réaliser chez eux cette transplantation qui reste interdite par ces anticorps particulièrement nocifs. Nous envisageons également de développer la technique de LDL Aphérèse pour débarrasser le sang des patients des taux extrêmement élevés de cholestérol circulant. Cette TEC s'adresse, en priorité, aux malheureuses familles atteintes de ce mal terrible qu'est l'hypercholestérolémie familiale homozygote. Quelles sont les contraintes à leur développement ? ll Pour être simple et rapide, elles sont de deux ordres : elles nécessitent, d'une part, une grande maîtrise des techniques de circulation extracorporelle. Il y a également un investissement financier pour les équipements et les différents consommables qui sont actuellement disponibles en Algérie avec une formation à la clé. Pourquoi le choix de l'amphithéâtre du service de réanimation du CHU Mustapha pour tenir ce séminaire sur les TEC ? ll Nous avons décidé de l'organiser dans cette enceinte pour marquer cet événement par une note d'histoire. En effet, la première plasmaphérèse thérapeutique dans notre pays a été réalisée en 1978, pour soigner le Président Houari Boumediène, dans ce service par l'équipe du professeur Drif ! Ce dernier a bien voulu inaugurer ce premier séminaire sur les TEC. Nous l'en remercions vivement.