La marche pacifique à laquelle avait appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a été empêchée par les éléments de la Sûreté nationale qui étaient en nombre impressionnant. Installés durant la nuit de vendredi à samedi à la place de la Concorde civile au 1er-Mai à Alger, les manifestants n'ont pas pu entamer, hier, leur marche pacifique transformée en rassemblement au niveau de ladite place. “Le régime se donne en spectacle”, déclare Mustapha Bouchachi, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh). Il est 8h45, les représentants de la Coordination nationale ont commencé à affluer vers la place de la Concorde civile, lieu de départ de la marche. Il a fallu à peine 15 minutes pour que les éléments de la Sûreté nationale commencent à interpeller les initiateurs du mouvement ainsi que les éléments encadrant la marche. M. Idir Achour, porte-parole du Syndicat des lycées d'Algérie (Cla), était le premier à se faire embarquer brutalement. Le leader du Cla s'est fait malmener et bousculer avant d'être jeté dans un fourgon de police. “Avec cette réaction, le régime démontre qu'il ne veut plus s'ouvrir et qu'il refuse la démocratisation de la société. Cela exprime également l'affolement des autorités au plus haut niveau”, dénonce M. Bouchachi. La police a procédé directement à la confiscation des banderoles des manifestants avant de multiplier les arrestations des acteurs de la coordination. Déjà 11h, les principaux encadreurs de la marche ont été isolés par groupe puis arrêtés brutalement un par un. Parmi les personnes arrêtées, on citera M. Mohamed Sadali, secrétaire général du Satef, M. Mourad Tchico, représentant du Snapap, le jeune Amine Menadi, représentant du collectif Algérie Pacifique, M. Omar Abdou du Collectif des clients spoliés d'El Khalifa Bank… Aucun membre de la coordination n'a été épargné par la brutalité policière, même pas les femmes, comme ce fut le cas de Mme Chérifa Khadar, porte-parole de l'Observatoire des violences et droits des femmes. “C'est aberrant ! On avait l'espoir de marcher pacifiquement. Avec toute la dynamique de changement que vivent les pays arabes, ils (les décideurs) savent qu'ils ne pourront plus continuer à gérer le pays de la même manière”, s'indigne Mme Dalila Djerbal, sociologue et présidente du réseau Wassila. M. Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la coordination, s'est vu, également, bousculé, malgré son âge avancé, prétextant qu'ils (les policiers) voulaient assurer sa sécurité en l'isolant des manifestants. À force d'être malmené, le président d'honneur de la Laddh a eu un malaise. Malgré cela, il a refusé de se retirer de la marche. “Je ne vais pas partir. Je reste pour soutenir le mouvement du peuple qui a décidé d'exprimer son ras-le-bol et qui aspire à un vrai changement”, explique-t-il. Il précise, également, que cette marche n'est que le début d'un mouvement populaire. Paraphrasant le héros de la Révolution algérienne, Larbi Ben M'hidi, Ali Yahia Abdenour dira : “Jetez la révolution dans la rue et elle sera prise en charge par le peuple.” Pour lui, l'action d'hier est un premier acquis qui “a permis de casser la peur dans la capitale et lancer le mouvement de contestation dans la rue”, a-t-il estimé. Malgré les interpellations qui se comptent par centaines — on dénombre plus de 400 personnes interpellées —, cela n'a pas empêché la foule de continuer d'affluer. Les manifestants composés de diverses associations de la société civile à savoir Laddh, les partis politiques (RCD, PST, PLG, PLD, MDS et CCDR), les syndicats autonomes (Cla, Satef, Cnapest, Cnes, Snapap), des citoyens, des étudiants, des femmes, des chômeurs, le Mouvement citoyen de Kabylie et aussi le Comité national pour la liberté de la presse (CNPLP) sont venus renforcer le mouvement de protestation en scandant le slogan du changement. “En dépit de la répression, des arrestations, du dispositif sécuritaire, les Algériens ont pu tenir leur rassemblement et exprimer leur volonté de faire partir le système et d'instaurer une Algérie plurielle”, déclare Rabah Abdallah, représentant du CNPLP. Il est à noter que la CNCD se réunira aujourd'hui à la Maison des syndicats à Dar El-Beïda pour l'évaluation de la manifestation d'hier.