Fateh Bouderbala, alias Abou Bassir, l'ex-”émir” d'Alger, a comparu, hier, pour la première fois depuis son arrestation, en 2008, devant le tribunal criminel près la cour d'Alger dans l'affaire de l'attentat kamikaze qui a ciblé le Palais du gouvernement le 11 avril 2007. L'affaire a été reportée au 12 avril prochain. Le procès s'est ouvert, hier matin, comme prévu. Huit accusés ont comparu devant le magistrat, Omar Belkharchi, président du tribunal criminel. Parmi eux, Fateh Bouderbala, alias Abou Bassir, ex-” “émir” de la phalange d'Alger au sein du GSPC. Rasé de près et moustachu, ce terroriste portait une chemise et une veste noire classique, souriant et très à l'aise ; il a affirmé au juge qu'il n'a pas été auditionné par les services de sécurité ni par le juge d'instruction, alors qu'il est poursuivi dans cette affaire et considéré comme étant en fuite. Abou Bassir avait rejoint d'abord le GIA en 1995, puis le premier noyau du GSPC en 1998, il est considéré comme le doyen de l'organisation de Droukdel. Il a été arrêté dans un appartement situé dans un quartier d'Alger en possession d'un lance-roquettes Low, plus de 800 kg d'explosifs et trois bombes prêtes à l'emploi, ainsi qu'une vingtaine de détonateurs qui devaient être utilisés durant le Ramadhan dans des attentats ciblant divers lieux publics à Alger. Parmi les dix-huit accusés cités dans cette affaire, dix terroristes se trouvent en état de fuite, dont l'“émir” national du GSPC, Abdelmalek Droukdel, alias Mosaâb Abou Abdelouadoud. Il y a lieu de souligner que sur les cinquante-quatre accusés impliqués dans les attentats du 11 avril, dix-huit seulement sont poursuivis. Parmi les accusés “supprimés” de la liste, figurent des terroristes abattus, tels que Zouhir Harrak, alias Sofiane Fassila et Omar Bentitraoui, alias Abou Khaïtama, “émir” de katibat El-Feth. Les accusés sont poursuivis pour “adhésion à un groupe terroriste activant à l'intérieur du pays dans le but de semer un climat d'insécurité et de peur au sein de la population, perpétration d'attentats à l'explosif et homicide volontaire avec préméditation”. Concernant les autres accusés présents et non détenus, Nourredine Boudina, le frère de l'auteur de l'attentat kamikaze, Merouane Boudina. Il est poursuivi pour non-dénonciation suite aux investigations des enquêteurs qui ont pu localiser les appels du kamikaze vers son frère la veille de l'attentat, l'informant de son acte, selon son propre aveu. Le juge a commencé par appeler les huit détenus : O. Khaled, S. Adlène, K. Mourad, M. Khaled, tous des jeunes âgés de 28 à 37 ans et tous natifs de la capitale, bien habillés et rasés de près. L'accusé principal, O. Khaled, est le premier à être appelé par le magistrat. Il a déclaré que son avocate, Me Boumerdassi, est absente. “Cela fait longtemps qu'elle ne m'a pas rendu visite en prison.” Mais, Me Khanef explique au tribunal que cette dernière était constituée dans l'affaire du pourvoi en cassation seulement. D'autres avocats étaient absents, à savoir Me Sidhoum, mais également Me Laâmouri. Ce dernier est pourtant “connu pour son sérieux”, selon ses collègues. Au total, ce sont quatre accusés qui se sont présentés sans défense. Le tribunal décide alors de se réunir en délibération pendant une heure. Les policiers ont dû séparer les familles des accusés et les familles des victimes de cet attentat, pour la plupart des jeunes veuves et des vieilles mamans, à l'exemple de cette vieille femme venue de Chéraga et qui n'osait pas regarder du côté des accusés. “Ces jeunes pourtant, ont brisé des familles entières !” Elle est la belle-mère du défunt Jemli Youcef, un policier exerçant au Palais du gouvernement, tué ce jour. “Il a laissé sa femme enceinte, qui a perdu ses jumeaux le jour de son enterrement. Il avait pourtant choisi leurs prénoms mais il est mort sans rien nous laisser. Cela fait quatre ans, on n'a pas pu l'oublier. Ma fille croit toujours qu'il reviendra un jour.” La mère de Kehoul A. Hakim, le garde du corps de l'ex-ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, tué lui aussi dans cet attentat, tenait son mouchoir en pleurant. “J'ai perdu un homme, mon fils. Certes, le ministre Zerhouni nous a soutenus et a assisté à son enterrement, mais c'est difficile de venir ici et d'écouter comment mon fils est mort. Que Dieu nous donne la force pour continuer à vivre sans nos enfants.” Il est difficile pour ces mères et pères de se déplacer pendant quatre ans au tribunal et d'éviter la confrontation avec les familles des accusés qui crient, elles aussi, à l'innocence de leurs fils. Le tribunal décide de renvoyer l'affaire au 12 avril prochain. Il s'agit là du quatrième report. La demande de l'accusé Salim Haddouche pour une liberté provisoire a été également rejetée. “Je n'ai aucune relation avec ce groupe, on ne se connaît même pas !” a-t-il dit. Mais le magistrat Belkharchi lui explique que seul le procès le prouvera.