Sujet d'actualité, l'habitat a été, en l'espace d'une semaine, l'objet de deux rencontres d'experts au forum d'El Moudjahid pour débattre de toutes les facettes de ce secteur. Jeudi, des représentants du ministère de tutelle et des architectes ont croisé les mots sur la problématique de la réhabilitation du vieux bâti, des constructions illicites et de l'habitat précaire. Makhlouf Naït Saâda, inspecteur général au ministère de l'Habitat, annonce que l'Algérie compte quelque 560 000 unités dites précaires, incluant les 10 000 baraques du site des Planteurs à Oran, dont 92 000 bidonvilles et qui doivent être impérativement démolis, 280 000 habitations faites de briques et de parpaing sans structures, et 182 000 constructions précaires, soit 11% du parc national logement. Un chiffre qui place l'Algérie bien derrière beaucoup de pays africains comme le Maroc (plus de 30%), la Libye (près de 40%), l'Egypte (plus de 50%), la Mauritanie (80%) et l'Ethiopie (99%). Au volet réhabilitation du vieux bâti, le représentant du ministère de l'Habitat a soulevé la problématique de la nature du parc immobilier national qui compte 7 millions de logements dont 90% de statut juridique privé, et que seulement 800 000 logements sont gérés par l'OPGI. Sur un autre plan, on constate la rareté des compétences en matière de réhabilitation, car, comme le précise M. Naït Saâda, “il ne suffit pas d'appeler un maçon, il y a un préalable de technicité qui se pose. Chaque construction est une conception particulière”. S'agissant de la réhabilitation du bâti classé comme patrimoine culturel, il y a un plan de sauvegarde, mais là encore, il n'est pas entrepris la réhabilitation qu'il faut. “Tout ceci nous amène à dire que le vieux bâti est une équation à trois inconnues”, dira l'inspecteur général du ministère. Sujet sur lequel rebondit Mme Hammache, ingénieur expert en construction, qui soulève la question de la formation dans la réhabilitation faisant défaut au ministère de l'Habitat. Pour le président du collège des architectes, Abdelhamid Boudaoud, il y a une mauvaise répartition du parc logement. “Chaque commune devrait avoir une carte de son parc logement, et le ministère de l'Habitat devrait, pour sa part, faire obligation aux collectivités locales d'avoir ce document”, souligne-t-il. Avant d'ajouter que “les statistiques parlent, aujourd'hui, d'un million et demi de logements inoccupés”. Plus critique, kheïreddine Ladjouze, président de l'ordre des architectes région centre, souhaite que l'administration assume un rôle de stratégie globale. Plus loin, M. Ladjouze, aborde le volet sur l'urbanisme en soutenant que les instruments de ce dernier ne sont plus d'actualité. Là aussi, il dira : “Il est temps pour nous de revenir à ce qui nous concerne : les villages kabyles, la casbah, les ksour, etc. Nous sommes dans une confrontation civilisationnelle. Le concept islamo-berbère est un concept d'espace. C'est une architecture humaine. Le concept judéo-chrétien ne nous concerne pas.” À l'adresse de ses collègues, il lance : “La faute incombe aux architectes qui n'ont pas fait leur métier.” Un point sur lequel une reconnaissance tacite était affichée, à l'exemple d'Athmane Touileb, membre du bureau national de l'ordre des architectes, qui n'a pas hésité à qualifier les lotissements de fiasco.