Alors que les forces aériennes des pays coalisés sous commandement de l'Otan continuent de pilonner les positions de l'armée libyenne et que les combats font rage entre insurgés et troupes loyales à Kadhafi, notamment autour de Brega, le colonel se retrouve de plus en plus isolé. Quatre jours après la défection de son ministre des Affaires étrangères qui a rejoint Londres avant d'annoncer qu'il avait lâché son mentor, c'est autour d'un autre diplomate de haut rang, Ali Triki, conseiller personnel du colonel Kadhafi, qui a annoncé sa démission dimanche, sans toutefois préciser s'il rejoignait les insurgés. C'est dans ce climat plutôt délétère, où les affrontements armés entre insurgés et forces loyales au régime évoluent selon un mouvement de marée, donnant tantôt l'avantage aux uns tantôt aux autres, que l'activité diplomatique tente de se frayer un chemin. Ainsi, une délégation de diplomates britanniques est à pied d'œuvre à Benghazi, depuis samedi, pour prendre langue avec des personnalités de l'insurrection et, plus particulièrement, avec les dirigeants du Conseil national de transition, organe représentant le mouvement de révolte qui a éclaté depuis un peu plus d'un mois, pour se muer progressivement en guerre civile. Parallèlement, le vice-ministre des Affaires étrangères et des Affaires européennes de Kadhafi, Abdellatif Laabidi, a été dépêché à Athènes où il a rencontré le Premier ministre grec Georges Papandreou, auquel il a transmis un message dont le contenu n'a pas été révélé. On peut penser, néanmoins, qu'il s'agirait d'une proposition du clan Kadhafi pour une sortie négociée de la crise, comme le suggérait le chef de la diplomatie grecque, Dimitris Droutsas, qui a déclaré que “selon les mots utilisés par l'émissaire libyen”, il semble que Tripoli “cherche une solution” au conflit. C'est dans ce contexte qu'au moins deux des fils du colonel Kadhafi, Seïf el-Islam et Saadi, proposent une transition vers une démocratie constitutionnelle, étant entendu que leur père se retirerait du pouvoir, comme rapporté dimanche soir le New York Times. Citant un diplomate ayant requis l'anonymat et un responsable libyen au fait du projet, le quotidien américain indique que la proposition suggèrerait la conduite de ladite transition par Seif El-Islam Kadhafi. Le journal ne précise pas toutefois si le colonel Kadhafi souscrit à l'initiative de ses rejetons, comme il n'indique pas si les autres fils partagent cette approche. Citant une source proche des auteurs de la proposition, le Times s'est contenté d'indiquer que les deux fils “veulent avancer pour faire changer le pays” sans leur père. Si le colonel Kadhafi a donné son accord à ses deux enfants, cela pourrait signifier que c'est la proposition de ces derniers qui seraittransmise aux autorités d'Athènes pour la faire connaître à la coalition. Par contre, les deux autres fils du dictateur, Khamis et Mutassim, partisans de la ligne dure, pourraient ne pas soutenir l'initiative, d'autant plus que Mutuassim, conseiller de la sécurité nationale, est considéré comme un rival de Seïf el-Islam dans la bataille pour la succession de leur père. Khamis, quant à lui, est à la tête d'une milice fortement armée. Mais, à supposer même que la proposition ainsi formulée ait eu l'agrément de tout le clan Kadhafi, quid de l'opposition ? Les insurgés accepteront-ils que l'un des rejetons du dictateur conduise la transition, lui qui a réduit à néant sa réputation surfaite d'homme modéré et moderniste en multipliant les discours particulièrement violents et menaçants depuis le début du conflit ? Rien ne permet de le supposer. Il n'en demeure pas moins qu'un premier pas a été fait, que la voie à la négociation a peut-être été ouverte, et c'est toujours bon à prendre comme point de départ d'un processus. M. A. Boumendil